Lignes de fuite. [Vers le ciel.]
Le film en fait trop, dès le début, indubitablement notre héros, Howard Roark, Gary Cooper, sera intègre, jusqu'à la fin ; pas de négociation, pas de compromission. Le ton est donné. Architecte ultramoderne avant l'heure, méprisé par la Communauté - avec la majuscule -, sujet à la haine et l'opprobre d'une Némésis trop facile, Gail Wynand, le méchant vendeur de journal populiste du coin, partisan conservateur des buildings gréco-romano-bétons - avec colonnes doriques et balcons forgés. Personne ne l'accompagnera, il sera seul pour réussir. Tout ça.
"- I had a statue which I found in Europe, the statue of a god. I think I was in love with it... but I broke it.
- What do you mean?
- I threw it down the air shaft.
- Why?
- So that I wouldn't have to love it."
Et puis le film, soudain, ma tendresse pour le film s'éclaire de la vision de cette jeune femme blonde, de sa bouche délicatement triste jetant par la fenêtre une statue de marbre blanc. Comme dans Mr Smith, sous le combat d'un homme se glisse une histoire. Une histoire de désamour cette fois. Une rencontre et la fuite qui s'y lie presque inexorablement. "I love you without dignity, without regret. I came to tell you this ; and to tell you that you'll never see me again."
Patricia Neal - venue remplacer Lauren Bacall - s'enfuit donc, se jette dans le passé. Plus facile. Et d'une étreinte passée ne ressort plus que la terreur dans ses yeux, le temps d'une autre. Et ces mains qui se serrent, aperçues d’une fenêtre.
"- I don't love you, Gail.
- I know it. But you'd never loved anyone else."
Et cette fille, cette froideur, cette incertitude, cette incapacité à aimer sauve le film des beaux discours toujours un peu lassants, et parfois laborieux. Quand il y a si souvent tout dans quelques mots.
"I love you. I'm saying it now for all the years we'll have to wait."
Ou dans un geste final.