Intriguant semble être le mot qui correspond le mieux au second film de Thomas Cailliey lorsque l'on découvre ses premières minutes. Il s'agit en effet de postuler à un cadre familial dans lequel un père et son fils se chamaillent pour des questions de principes en apparence éculés. Surgit alors un déclencheur fantastique qui fait soudainement bifurquer le long métrage dans un autre arc narratif. Tout l'enjeu sera alors de faire cohabiter ces deux espaces dans un continuum cohérent, en y incorporant d'autres registres dramatiquement qui puissent faire liaison avec l'ensemble.
Exercice toujours périlleux que de vouloir confronter des thématiques sociétales/sociales avec un univers fantasque dans lequel la création numérique doit censémment faire office de disruption dans l'ordre établi. Ici l'équilibre est plutôt juste, bien que quelques disparités scénaristiques viennent justement quelque peu le perturber. La sempiternelle rengaine de l'opposition nature/culture est ici schématisee par une caractérisation trop appuyée des personnages, qui viennent renforcer l'idée que l'humain par son essence matérialiste dispose de son environnement comme bon lui semble. Au mépris de toute considération du vivant. Romain Duris est ce bon père qui tient absolument à préserver sa gynecee familiale, niant leur animalité libre et sauvage (son évolution au long cours vient tardivement démentir cette binarite). Le fils est un "monstre" qui s'ignore et met tout en œuvre pour se départir de cette hybridation lorsqu'il en prend conscience (même remarque précédente).
En plus de prétexter une ode à l'écologie, le scénario égrène donc son habituel lot commun de poncifs sur la famille solidaire. Conflits de générations, réhabilitation puis réconciliation in fine pour embarquer le spectateur dans l'extraordinaire. Mais il serait assez malhonnête de limiter l'œuvre à ses seules intentions. Car on ne peut s'empêcher d'être embarqué dans une aventure qui prend soin de tracer des sillons de traverse.
Ainsi de ces séquences de hautes voltiges cernant l'apprentissage d'un homme oiseau qui file la métaphore du libre arbitre, tandis que son nouveau complice commence à tirer le meilleur parti de sa soudaine mutation. Également quelques courses poursuites à travers champs qui élargissent le spectre du drame pour naviguer dans les eaux troubles de la science fiction. On pense également aux paysages nocturnes striés d'étranges apparitions de bêtes humaines qui ne sont pas sans rappeler des créatures de Tolkien. Ce qui se joue alors dans ces évocations tient alors essentiellement par l'agencement de la mise en scène. Les cadres s'élargissent et se font plus aériens, la caméra se mouve dans les pas de ses protagonistes pour suggèrer l'urgence de la situation. Tandis que le prélude est figé, ne sachant pas vraiment quel angle choisir, cette aération donne un ton résolument plus adéquat à l'ampleur romanesque du récit.
En définitive ce règne animalier entend évoquer dans un temps trop succinct une allégorie naturaliste de la préservation et du respect de toutes les espèces, en enfourchant avec maladresse l'item de la différence comme droit inaltérable et indispensable. Il lui adjoint une résonance scientiste intéressante (les virus transmissibles entre l'homme et l'animal, la mutation de l'un vers l'autre comme possible effet transversal d'un génome commun) et conclut son essai androgyne par une touchante marque de lucidité sur la conscientisation des enjeux à venir.
Imparfait mais globalement solide.