Ce qui manquait (pour que ça me plaise) à Voyage au bout de l'enfer, on le retrouve dans ce film. C'est-à-dire de la profondeur. C'est un film sur le traumatisme du Vietnam, encore, mais cette fois abordé en profondeur, sans hyperbole comme dans le film de Cimino.
Je sais pas qui est le niais qui a écrit le synopsis, mais le personnage de Fonda ne retrouve pas son amour de lycée, c'était simplement un camarade.
J'avais peur au début du film, quand elle entre en scène, d'avoir affaire encore une fois, comme dans ces films dépeignant l'Amérique profonde des 70's (Nashville, L'épouvantail, Five easy pieces...), à une beauf trop maquillée et insupportable. J'avais d'ailleurs oublié que c'était la magnifique Jane Fonda qui m'avait fait presque bander au lycée (je ne sais plus) dans Barbarella.
Mais ce dégoût anticipé a vite disparu quand elle rencontre John Voight, ligoté dans son lit d’hôpital. Le film commence ici, dans cette salle abandonnée d'hôpital pour blessés de guerre, où John Voight est enfermé pour s'être emporté à cause d'une histoire de poche d'urine pleine dont les infirmières ne s'occupent pas. En fait, l'histoire commence avant, lors de leur première rencontre, quand la poche de pisse éclate sur Jane Fonda, qui, le lendemain du départ de son mari pour le Vietnam, a eu l'idée de venir travailler bénévolement dans cet hôpital.
Première partie du film très bonne, qui se concentre sur la vie des blessés dans cet hôpital. Des blessés qui se demandent comment ils vont reprendre le cours de leur vie, car on ne leur a pas dit comment , comment serait leur vie sexuelle à présent, en fauteuil roulant, ou avec une jambe en moins, ou un trou dans la gorge. Des blessés qui se demandent si toute cette merde a été utile, ou qui se le persuadent pour accepter leur nouvelle condition de vie, leur transformation physique, mentale, et même psychique.
Et pendant que Fonda s'indigne des conditions de vies de ces vétérans, et de l'indifférence générale du personnel soignant, John Voight, calmement, comme une renaissance, tombe amoureux. De cet amour qui fait revivre un homme.
John Voight, cet acteur visiblement trop peu exploité (pourtant Macadam Cowboy aurait dû le propulser autant qu'un Hoffman ou Nicholson) a un jeu très juste, très émouvant, sans tomber dans le pathos. Jane Fonda m'a beaucoup étonnée tant elle respire la bonté, l'intégrité, la fragilité et la force à la fois. Et pourtant au début du film je la trouvais tellement laide et maquillée que je me demandais comment le réalisateur avait pu miser sur cette beauf. Bah je l'ai trouvé belle.
La photographie est très belle. Le montage et les plans de certaines scènes subliment l'amour naissant, paisible - même si forcément éphémère - , magnifique, de ces deux belles personnes. Vraiment, certains plans (qu'on trouve dans le trailer), quand ils sont à la plage, sont tellement beaux. A eux seuls ils parlent d'amour, il le chante.
Les choix musicaux sont faciles mais accompagnent très bien l'ambiance de douce tristesse, d'indignation, de renaissance, d'amour, d'attente, de perte de repère : Rolling Stone, Bob Dylan, Beatles, Richie Havens, Bruce Springteen, Simon and Garfunkel, Janis Joplin, Jimi Hendrix...
La fin du film est selon moi mal gérée d'un point de vue dramatique. Le discours antimilitariste est maladroitement exprimé, trop poussif. Les acteurs s'y perdent.
Un film qui peine parfois à s'exprimer pleinement, à crier comme il faut, ou à pleurer, mais qui laisse de très beaux souvenirs de l'hôpital, de la camaraderie qui s'en dégage, et de cette histoire d'amour magnifique (et qui aurait mérité, dans l'idéal, qu'on s'y attarde plus).