Le film aurait pu se contenter d’être une simple exploitation de ce que Romero a inventé une dizaine d’années plus tôt, surfant la vague zombie avec un budget plus gros et un sens complètement évacué. Et à un certain niveau, oui, ça l’est tout à fait.


Mais le sens, il le trouve ailleurs. On a ici affaire à un film très conscient de lui-même et qui sait diluer son opportunisme sous une bonne couche d’humour. C’est de l’horreur adolescente qui connaît son public et ne cesse de lui cligner de l'œil, empruntant donc largement le chemin de la comédie, à grand coup de surjeu, de décors en toc et de musiques décalées, le tout dans un esprit bon enfant.


On observe même les prémisses d’un genre qui s’auto-conscientise, puisqu'ici les films de Romero existent dans la diégèse du film, même si les règles qu'il a établi ne s'appliquent pas ici, à la grande frustration des personnages et à notre grand amusement.


À ce propos, le film a quand même le mérite d’apporter sa pierre à l’édifice du genre en créant ses propres caractéristiques marquantes, comme le fait que les zombies mangent des cerveaux (“pour soulager la douleur d’être mort”) et peuvent baragouiner quelques mots.


Ce côté référentiel se retrouve aussi dans la maximisation du côté 80’s de l’affaire. Il suffit de regarder le groupe d’ados, où l’on retrouve pêle-mêle des accoutrements punk et new-wave. Ces archétypes n’ont aucune raison de traîner ensemble, mais le film semble vouloir n’en laisser aucun de côté. Et normalement, afficher une culture si haut et si fort va de pair avec un certain révisionnisme, une perspective d’au moins quelques années. Mais là on est au milieu des années 80 et ça hurle “milieu des années 80” de manière assez drôle.


Je note aussi des zombies qui ont une bonne gueule, et donc la réussite du film côté maquillage. Tous les films de zombie ne réussissent pas toujours dans ce département si crucial. Mention spécial à tar-man et au zombie qu’on interroge. Ils ont un côté tactile à la fois cracra et drôle, à l’image du film.


J’apprécie aussi le cadre limité dans lequel évolue les personnages. Il n’y a que trois décors, qui sont voisins : un entrepôt, une morgue et un cimetière. Ça ne fait du film ni un huis-clos total à la Nuit des morts-vivants, ni un univers expansif à la Walking Dead, mais ça lui permet de garder le côté siège si fun dans le genre zombie, tout en s’amusant avec les échappées, les divisions, les replis, bref, les déplacements des personnages.


C’est donc assez ludique de voir les personnages circuler de lieu en lieu, perdant des membres au passage et voyant la situation s’envenimer de plus en plus. On se demande donc bien comment tout ça va pouvoir finir.


Ça finit mal, et si effectivement la charge sociale qui pesait sur les films de Romero n’est pas tout à fait honorée, elle est ici transformée en satire un peu teubée mais évitant quand même le happy-end triomphal en faveur d’un rappel que pour ceux qui ont le pouvoir, il n’y a pas grande différence entre un citoyen et un zombi.


Rien de très profond, encore une fois c’est de l’horreur pour adolescent, mais je me demande bien ce que serait devenu le film de zombi s’il n’avait pas, un moment ou un autre, appris à s’amuser de ses propres codes si archétypaux. Ce film a ouvert le spectre et si ça casse pas trois pattes à un canard, il offre quand même une bonne soirée.

ClémentLepape
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le 25 févr. 2022

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Clément Lepape

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