Préparez les mouchoirs.
Cela fait quelques années que l’on entend ça et là dire que Dreamworks, ce studio connu de toutes et tous mais aux œuvres, sauf quelques exceptions, moins populaires, est en passe de devancer Disney/Pixar sur à peu près tous les points. Plus créatif, plus touchant, plus original (entendre ne se repose pas sur de la redite de licences à gogo), et généralement plus beau.
Si selon moi mettre les deux en concurrence n’est pas tout à fait justifié, chaque studio suivant après tout des lignes directrices qui lui sont propres, il est en effet possible de noter que les dernières propositions issues de Dreamworks sont on ne peut plus notables. Rappelons-nous de la géniale suite du “Chat Potté”, sortie il y a deux ans, qui avait pris de court à peu près tout le monde en délivrant un film superbement animé, au propos sombre et aux personnages incroyablement caractérisés.
Disney/Pixar n’est pourtant pas en reste, notamment avec la sortie en 2020 du chef-d’œuvre “Soul”, d’une poésie et d’une profondeur rares.
Puis les premiers avis sur “Le Robot Sauvage”, nouveau film du réalisateur de la saga adulée “Dragons”, sont sortis et ont attiré l’œil, étant franchement dithyrambiques.
Attention, ce qui suit sera rempli de superlatifs élogieux qui ne traduisent pas tant d’un grand esprit critique, mais bien du torrent d’émotions ressenti au visionnage de cette merveille.
N’y allons donc pas par quatre chemins et débutons cet avis par un élan de sentimentalisme : “Le Robot Sauvage” est un film immense, une œuvre absolument fabuleuse et somptueuse et, à bien des égards, parfaite en tous points. Mais pourquoi est-ce si bien ? Quelle est la recette de la totale réussité qu’est cette nouvelle sortie Dreamworks ?
À l’heure où les films d’animation atteignent des sommes stratosphériques de production, avec notamment l’exemple récent du moyen “Vice-Versa 2” qui avait coûté à Pixar la bagatelle de 200 millions de dollars, le budget de 78 millions qu’arbore “Le Robot Sauvage” semble presque ridicule. Il faudrait pourtant bien prendre le talent de Sanders en exemple tant son métrage est d’une perfection visuelle à chaque seconde, d’une beauté époustouflante dans chacun des plans qui le composent.
En effet, l’animation est d’une fluidité remarquable, enchaînant dans les phases “d’action” les mouvements de caméra les plus inventifs et vertigineux, quand bien même il n’y par essence pas de caméra. Tout est lisible, tout s’emboîte en continu, et c’est d’un ludisme total à regarder. À ce titre, nous pouvons prendre en exemple le quart d’heure introductif, modèle de mise en scène, qui voit Roz s’éveiller et découvrir l’île sauvage sur laquelle elle a atterri. Pour nous montrer la violence d’un tel lieu, notre pauvre robot va subir sans répit les assauts répétés des différentes espèces peuplant l’île. Pour se faire, sans jamais couper l’action, Sanders va placer sa “caméra” à hauteur du protagoniste et, sans répit également, l’agiter autant que Roz peut l’être, décuplant alors le pouvoir d’immersion.
Le dynamisme de la mise en scène et du montage va de pair avec la splendeur (vraiment à couper le souffle) de la compositions des plans du film, que ce soit dans leur cadrage comme dans leurs couleurs. Concernant ces dernières, elles sont éclatantes et multiples, à l’instar d’une scène avec des papillons qui saura émerveiller quiconque la verra. Se faisant, chacun des plans du “Robot Sauvage” imprime la rétine durablement, et en fait une proposition de cinéma marquante déjà par ses seuls visuels.
L’animation en tant que telle est loin d’être en reste, combinant avec maestria techniques issues purement des dispositifs 3D plus “classiques” (mais brillamment exécutés ici) et effets visuels plus proches de la peinture, voire de l’aquarelle. Cela donne l’impression de voir apparaître sur des personnages, des décors, des détails, le crayonné ou le coup de pinceau, et le mélange des deux est parfaitement géré et justifié. En témoigne le design de Roz, animée en 3D, mais qui voit au fil du film de la mousse pousser sur son “corps”, mousse dessinée à ce qui semble être de la peinture. Oui, “Le Robot Sauvage” est un film esthétiquement irréprochable, qui atteint le sublime et qui peut se targuer d’être l’un des plus beaux films d’animation de ces dernières années.
Concernant son écriture, le film se situant dans un futur presque dystopique, Sanders fait le pari de ne nous présenter que des robots et des animaux en guise de personnages, ne montrant qu’à de rares occasions et lointainement les humains. On pourrait donc croire à un procédé proche de “Wall-E”, où seuls peu de protagonistes seront caractérisés ou qui n’évolueront qu’autour du personnage central. Cependant, et par le biais d’un procédé incroyablement malin, Roz va apprendre à communiquer avec les animaux qui peuplent l’île, et chacun va alors pouvoir déployer une personnalité qui lui est propre. Par cela, l’île va fourmiller de vie et déborder de chaleur, tout en ouvrant la voie à la rencontre de nombreux personnages uniques et hauts en couleur.
Outre ses personnages, “Le Robot Sauvage” se démarque par son intergénérationnalité, juxtaposant scènes adaptées aux plus jeunes et blagues ou situations bien plus sombres (parfois vraiment hard) permettant d’aborder des sujets, tels que la mort et la vie en communauté, par un prisme bienvenu et compréhensible par tous. Plutôt que d’éloigner les plus jeunes de thématiques plus complexes, le film ne va pas hésiter à les mettre sur le devant de la scène (notamment les scènes mettant en lumière la famille d’opossums, blindées d’humour très noir) afin de, justement, les familiariser avec ces sujets moins abordés et pourtant importants.
Mais malgré toutes ces prouesses, et d’autres encore, “Le Robot Sauvage” brille majoritairement grâce aux émotions qu’il véhicule, sans effort et avec évidence et sincérité la plus totale.
Parmi toutes les thématiques qu’aborde le film, le fil rouge et la base de toutes les péripéties reste la mission que s’est donnée Roz d’aider ce petit oisillon balourd à s’envoler. Codée ainsi, elle va l’accompagner sans relâche avec pour seul objectif de remplir sa quête. Mais au fil des mois, l’oisillon (renommé Jolibec) va grandir, et Roz aura bien besoin de son ami Escobar, un renard espiègle qui n’avait qu’une envie, celle de dévorer Jolibec. En effet, ce dernier, qui considère évidemment Roz comme sa mère, va passer par les étapes de l’adolescence, et commencer à renier sa famille recomposée (avec le robot et le renard) dès lors que les autres oies vont n’avoir de cesse de se moquer de lui.
Vous l’aurez compris, “Le Robot Sauvage” est un film sur la relation mère/enfant, et plus globalement un film sur l’amitié et sur la vie de famille. Si ce sujet a été abordé de (très) nombreuses fois au cinéma, notamment dans les films d’animation, il parvient ici à se distinguer largement du reste par la justesse absolue et la dureté de son écriture, qui n’a pas peur de verser dans le plus sombre.
Il est difficile de retranscrire par écrit, et sans trop en dévoiler, la teneur en émotions d’un métrage, ainsi que sa justesse. Mais “Le Robot Sauvage” parvient à dépeindre avec une aisance folle le quotidien et le rapprochement de cette famille recomposée, entre eux et avec le reste de l’île. Simplement mais efficacement, le film nous parle donc du vivre ensemble, et de l’importance de la communication pour pouvoir se tolérer, puis s’apprécier, et enfin s’aimer.
C’est d’une beauté simple, mais pure et véritable, et les larmes qui en découlent n’en seront que plus nombreuses et sincères. Si le film ne cherche pas à verser dans le pathos et nous arracher gratuitement la larme, il y parvient cependant sans effort, sans forcer, et cela est d’autant plus admirable.
Comment ne pas mentionner à cet égard la partition musicale de Kris Bowers, mélange d’épique et d’émotions, qui tour à tour nous émeut aux larmes avant de nous insuffler un sentiment de grandeur. Oui, la musique est également grandiose, nous faisant vraiment ressentir quelque impression d’immense et, une fois encore, de pur épique.
Bravo Chris Sanders, bravo Dreamworks, et bravo à chaque personne qui a œuvré sur ce métrage. “Le Robot Sauvage” est indéniablement un grand film, de ceux vers lesquels on revient régulièrement autant pour se sentir bien, que pour pleurer, que pour rire... vers lesquels on revient régulièrement, finalement et simplement, par envie.
Un chef-d’œuvre marquant de par sa perfection à tous points de vue, qui ferait bien d’être utilisé comme modèle pour les productions à venir. N’hésitez pas, nous tenons là l’un des plus beaux films de la décennie.