2 ans que j'ai lu le roman, et que je n'arrive pas à me débarrasser de cet arrière-goût de malaise. Comme si Tournier m'avait à la fois trahi, et souillé en m'ayant exposé à sa psyché de pédéraste. Tournier n'a cesse de nous faire des portraits idylliques de l'enfance, sortes de jardins d'Eden rieurs et légers, mais je ne peux me résoudre à voir autre chose qu'une peinture répugnante et un leurre.
Ma curiosité et motivation pour visionner le film tenait à cette question : "comment va-t-il représenter l'embrun pédéraste qui traverse le livre ?" La réponse est simple, il l'élude, ou plutôt il le masque.
Michel Tournier ne fait pas de moonwalk.
Mais il partageait comme Michael Jackson ce goût suspect de la compagnie des enfants. MJ adoraient dormir avec des bambins et s'effarouchaient toujours en prétextant l'innocence, la phrase finale du film est à ce titre révélatrice "rappelez-vous que tant que vous porterez un enfant vous pourrez échapper au mal en vous abritant sous le manteau de l'innocence". Plus encore que dans le roman, le film met en avant un Abel Tiffauge candide, ingénu, voire neuneu, "il ne ferait pas de mal à une mouche". A une mouche non, mais à la petite Martine peut-être. D'ailleurs le film est bien moins équivoque, le roman laisse perversement planner le doute sur le viol. Le film se réfugie systématiquement derrière le masque de l'innocence que nous proposait déjà Tournier, mais encore plus abondamment et hypocritement (grand public oblige).
Michel Tournier n'a pas construit de Neverland.
Mais il a construit le décorum rêvé du pédéraste pour son héro : les Nationalpolitische Erziehungsanstalt, ou Napola, ou pour faire simple, sortes d'internats de Jeunesses Hitlériennes. Manœuvre et homme à tout faire, Abel Tiffauge grenouille au milieu des enfants comme au paradis. Le camp est le terrain de jeu rêvé du pédéraste, il peut à l'envi observer les enfants, les porter, les toucher, humecter leurs genoux ou disserter sur leurs fesses (cf le livre), renifler à toute heure leurs calçons pour maintenir un état d'ivresse lubrique, baigner dans une concupiscence permanente et entretenir une demi-molle du soir au matin. C'est également un terrain de chasse parfait, puisque il sert de base pour aller arracher les enfants à leurs parents, les installer chez soi et se les approprier.
Mais bien sûr, tout cela derrière le masque de l'innocence.