Cela faisait longtemps que je voulais revoir ce film. Je me le remémorais en imaginant l'immense ville perchée, le dédale de rue et de décors superbes dans lequel les personnages évoluaient. Et je n'ai pas été déçu de le revoir avec mon regard d'adulte. Je vois à présent les allusions à Venise pour une partie de la ville, aux forteresses médiévales et à bien d'autres monuments encore. Ce mélange d'architecture me laisse toujours aussi rêveur avec ses inventions incroyables, ses dalles dérobées, et ses couloirs recouverts de tableau.
La poésie de ce film est décidément admirable et Jacques Prévert, au scénario n'y est pas étranger. Un des moments les plus poétiques est probablement cet instant où des personnages prennent vie en sortant de leurs tableaux pour mener leur existence propre, voire se libérer du carcan imposé par le cadre étroit de la peinture. Le film regorge de références (Ubu Roi, Métropolis...) et ne cesse de s'enrichir à chaque vision. Il fût un temps où l'on s'adressait aux enfants avec intelligence. Ce dessin animé, avec ses allusions politiques graves et une forme de violence (le roi tyrannique qui exécute ses opposants) et un humour tantôt enfantin tantôt noir, est tout sauf un film pour les enfants uniquement. N'importe qui peut trouver un intérêt à le visionner. C'est, par exemple, la confrontation entre la simplicité traditionnelle (bergère et ramoneur) contre la technologie froide et terrifiante (le robot du roi). On sent alors la critique du monde industriel et de la dépersonnalisation de tous (sauf celle du roi).
La musique est très belle, romantique ou totalement grandiloquente et pathétique pour les scènes royales. Mais, à jamais, cette ville, capitale du royaume de la Tachycardie, reste un rêve où j'aimerais venir me promener et me perdre.