Avec quelle patience paul Grimault est parvenu à réaliser son rêve : remanier La Bergère et le Ramoneur, un film commencé Jacques Prévert en 1950, dont la finition leur avait été retirée par des distributeurs sans scrupules. Trente ans après, le poète du dessin animé a eu le dernier mot. A son ami disparue, il rend le plus beau des hommages. Car tous les thèmes chers à Prévert sont là. Devant ces grands ateliers royaux ou, inlassablement, sont forgées des statues du roi, c'est la vanité et la bêtise que l'on dénonce. La "charmante bergère et le petit ramoneur de rien du tout" symbolisent l'innocence et l'amour. Dans le coup poing final du robot sur la cage aux oiseaux éclate la saine colère des deux amis contre toute entrave à la liberté. Aux spectateurs pressés. Paul Grimault propose de prendre le temps. Rien de frénétique dans cette course-poursuite lente et contemplative. Même les décors de la cité kafkaienne semblent tracé avec tendresse. Un classique. Il y a une telle intelligence et une telle poésie dans ce film qu'on s’interroge encore aujourd'hui sur la perfection du résultat d'un projet si colossal, tant sur le plan logistique qu'émotionnel. Tantôt sinistre et inquiétant, tantôt envoûtant et libérateur, ce chef-d'oeuvre intemporel s'achève sur l'une des plus puissantes évocations du désir absolue de liberté.