Le Roman de Mildred Pierce par Frankoix
Mélodrame déguisé en film noir, dont il reprend tous les codes : narration en voix-off, noir et blanc contrasté générateur d'atmosphère (superbe photo d'Ernest Haller), personnages torturés mais curieusement dépourvus de cette passion, de ce feu jusqu'au-boutiste qui anime les créatures des polars des années 40.
Joan Crawford, oscarisée, livre peut-être la moins convaincante de ses compositions : elle semble se complaire dans ce rôle d'éternelle victime qu'est Mildred Pierce, personnage monocorde et sans relief pour lequel il est impossible de ressentir la moindre sympathie, bien que cela soit l'effet recherché pendant toute la durée du film. Le parti pris par l'actrice de « sous-jouer » la plupart de ses scènes, et de rester sur un premier degré, affadit considérablement la portée du film, qui nécessitait précisément une interprétation grandiose par une personnalité « over the top » pour rendre fascinant l'itinéraire sentimental et professionnel (caricatural à l'extrême) de Mildred : c'était un rôle idéal pour Bette Davis.
Par contraste, Ann Blyth, qui interprète Veda, fille ingrate et manipulatrice par excellence, est inoubliable. A l'inverse de Crawford, qui reste en surface, Blyth parvient toujours à trouver la note juste et à insuffler une passion saisissante à son personnage.