Liturgie de la lumière
Troisième et dernier court métrage d’étude de Tarkovski, Le Rouleau compresseur et le violon est clairement l’œuvre de la maturité des années d’apprentissage. Il est étonnant de voir ce film à...
le 13 avr. 2018
19 j'aime
4
Bien longtemps avant ses errances métaphysiques qui le verront se faire aliéner par le comité de censure soviétique, Andreï Tarkovski fut élève à la VGIK, la célèbre école de cinéma moscovite, dont Le Rouleau compresseur et le Violon, son troisième essai derrière la caméra, sera aussi son projet de fin d’étude. Un film précoce mais qui présente déjà des noms connus : de Vladimir Zamanski, que l’on retrouvera près de deux décennies plus tard au générique de Stalker, au scénariste Andreï Kontchalovski, en passant par le chef opérateur Vadim Ioussov et le compositeur Ovtchinnikov, tous des fidèles du célèbre cinéaste russe.
Il serait pourtant erroné de penser Le Rouleau compresseur et le Violon comme une amorce à la filmographie du metteur en scène. En dehors de quelques gimmicks bien connus (les plans « reflets » et la place de la pluie dans certaines scènes), c’est un Tarkovski doux et léger que l’on retrouve à la tête d’un moyen-métrage vraisemblablement à destination d’un public majoritairement enfantin. Cette quête d’une certaine forme de poésie se retrouve dans le jeu intelligent avec les couleurs, envoutantes jusque dans leur plus discrète utilisation, et dans les échelles de plan dynamiques. Tarkovski s’amuse avec les contrastes, pour signifier ses trois différentes figures symboliques (le musicien, l’ouvrier et la mère), se référant aux trois entités principales du régime soviétique que sont l’art, le prolétariat et la Patrie. C’est d’ailleurs cette thématique qui transcende le film de bout en bout : l’interaction difficile entre ces pôles philosophiques opposés, chacun répondant à sa propre logique.
Le Rouleau compresseur et le Violon revêtant finalement l’habit d’un film de propagande, le message qu’il tente – et parvient brillement – à faire passer demeure pourtant tout à fait admirable. L’importance sociétale à la fois du travail ouvrier et de l’essai abstrait, qui interagissent et s’alimentent l’un l’autre. Un sujet qui se trouvera un développement supplémentaire dans Andreï Roublev, traitant lui aussi du rôle social de l’artiste et de la manière dont il est accueilli.
Le Rouleau compresseur et le Violon n’est sans doute pas au niveau des plus grands films du Maître, mais l’ignorer du fait de sa nature technique (le moyen-métrage d’un étudiant en cinéma) ou politique (vantant les valeurs d’un régime formellement immoral), ce serait passer à côté d’une merveille visuelle qui, en plus de démontrer le talent pictural passionnant de Tarkovski, se révèle d’une profondeur inattendue.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Courts-métrages (re)vus en 2015 et Les meilleurs films d'Andreï Tarkovski
Créée
le 21 août 2015
Critique lue 469 fois
6 j'aime
2 commentaires
D'autres avis sur Le Rouleau compresseur et le Violon
Troisième et dernier court métrage d’étude de Tarkovski, Le Rouleau compresseur et le violon est clairement l’œuvre de la maturité des années d’apprentissage. Il est étonnant de voir ce film à...
le 13 avr. 2018
19 j'aime
4
Le rouleau compresseur et le violon est le dernier film d'études de Andreï Tarkovski. C'est aussi à ma connaissance son dernier court-métrage. Tourné dans les studios MosFilms, c'est également...
Par
le 8 sept. 2012
8 j'aime
Bien longtemps avant ses errances métaphysiques qui le verront se faire aliéner par le comité de censure soviétique, Andreï Tarkovski fut élève à la VGIK, la célèbre école de cinéma moscovite, dont...
Par
le 21 août 2015
6 j'aime
2
Du même critique
USA Network n’a pas vraiment le pedigree d’une HBO ou d’une Showtime. Avec son audience vieillissante et ses séries sans prises de têtes, on peut dire que Mr. Robot ressemble à une anomalie dans la...
Par
le 5 sept. 2015
274 j'aime
16
Le nouveau film MCU biannuel est donc le très attendu Avengers 2 – et encore, c’est un euphémisme. Après un premier volet (ou était-ce le sixième ?) globalement maîtrisé dans le style Marvel Disney,...
Par
le 22 avr. 2015
228 j'aime
32
Dès sa longue introduction et son générique, Stranger Things donne le ton : on connaît cette musique, ces geeks à vélo et cette incursion du surnaturel dans le quotidien d’une campagne américaine. La...
Par
le 16 juil. 2016
195 j'aime
21