Le Sabre du Mal est un film errant, ivre, fou, titubant sinistrement entre film noir, chanbara, épouvante et thriller psychologique. À la manière de la la Nuit du Chasseur, le noir et blanc expressionniste, aux ombres dures et vivantes, aux blancs tranchants, porte nos yeux dans un magnifique conte cauchemardesque.
Le film envoie tout de même valser un beau paquet de fusils de Tchekhov narratifs. Y a même littéralement un revolver dans le lot, tiens. Le sublime carnage final se substitue à la résolution de toutes les intrigues mises en place, et ne se résout même pas lui-même. C'est une drôle de frustration qu'on nous laisse en fin de bouche. Génie ou maladresse ? Je sais pas et je crois que je m'en fous un peu. Je m'amuse à y voir l'imperfection imprévisible du sort d'un sabre pervers, d'une âme qui a pris conscience sous la neige qu'elle était condamnée à mourir dans l'œuf, qu'elle n'atteindrait jamais le quart de la puissance d'un maître que la sagesse aura au contraire autorisé à vieillir. Destiné à se consumer dans les flammes de sa sinistre passion, il s'impose pour fatalité son inéluctable mort violente, sans le moindre regard pour les faibles qui gravitaient autour de lui en mendiant au destin la résolution de vengeances et autres ridicules affaires personnelles.
Une œuvre aussi imparfaite qu'insondable, qui hante, qui distille lentement son propos pendant des jours après son visionnage.