Qu'il est dur de quitter un de ses cinéastes préférés sur une note amère. A mon premier visionnage du Sacrifice, mon impression était plutôt positive, malgré le fait que certains aspects m'aient laissé plutôt perplexe. Un an plus tard, voici le moment de m'y replonger pour mieux forger mon avis, après avoir fini de découvrir la filmographie du Maître.
La plupart des détracteurs de Tarkovski vous diront que ses films sont ennuyeux à mourir, par rapport au fait que le rythme y est très lent ; alors que les admirateurs (dont je fais partie) ne pourront que vous vanter la splendeur visuelle et l'atmosphère envoûtante qui caractérise ses films et que la lenteur du rythme est minutieusement mesurée. Ce qui m'amène à parler d'un des premiers problèmes du Sacrifice, selon moi : c'est à la fois le film le plus lent du réalisateur et le moins recherché visuellement (à part quelques séquences, comme le célèbre final) : c'est assez sobre et dépouillé esthétiquement dans l'ensemble, ce qui fait peut-être écho à un des thèmes du film, le matérialisme - un des dialogues dit justement que vivre dans l'excès et le superflu est péché. Ou alors que peut-être Tarkovski a voulu se rapprocher un peu de la mise en scène de Bergman, auquel il fait hommage dans l'histoire : le postulat de départ est très semblable à celui de La Honte, et le silence de Dieu, thème de plusieurs films du maître suédois, est ici un des sujets principaux.
Pour ce qui est du fond du film, il y a de quoi rester sur sa faim. L'histoire met beaucoup de temps à se mettre en place pour prendre une tournure étrange (l'intrigue avec Maria... quel but?) et le récit semble dénué de véritable conclusion. Dans l'ensemble, j'ai le sentiment que Le Sacrifice ouvre plusieurs pistes mais n'arrive au bout d'aucune d'entre elles : les relations entre les personnages ne sont pas totalement abouties et d'ailleurs on est un peu dans le cliché du film d'auteur où tout le monde se tourmente et se fait la gueule, l'histoire autour de la guerre est totalement éludée... en fait, cette guerre est probablement une métaphore (un peu simple certes) de l'annonce de la mort (certains dialogues au début du film discutent justement du rapport à la mort), et c'est un peu évident quand on sait que le réalisateur, atteint du cancer, savait qu'il filmait son dernier film, qui est donc comme un testament, surtout que la dernière scène montre le passage du flambeau à la génération suivante. Du coup, Le Sacrifice, c'est un peu Tarkovski qui fait du Tarkovski et qui tombe malheureusement dans les travers qu'il avait su intelligemment éviter auparavant. En plus, certains thèmes semblent un peu faire dans la redite avec Nostalghia, qui était bien plus abouti...
Difficile, donc, de s'impliquer dans cet ensemble décousu, parfois verbeux pour pas grand chose et quelque peu ennuyeux, même pour un fan de Tarkovski comme moi (et je ne suis visiblement pas le seul à avoir cet avis), et c'est bien dommage, car il y a de bonnes idées dedans. A voir surtout pour la curiosité et pour le final magnifique...