Entre Yurt et Agra, respectivement films turc et indien sûrement très respectables, propositions de la semaine d’un Télérama toujours en peine sur le reste donc le genre, mais qui fait sa couverture sur le polar français en le prétendant s’émanciper, on se dit qu’on va choisir Le salaire de la peur…
De celui de Clouzot, qui est parvenu à faire de la Camargue son Guatemala et de l’affrontement du jeune et du vieux un duel sadique, ou de celui de Friedkin, qui a eu du mal à le tourner et encore plus à le vendre alors qu’il aura réussi des scènes de jungle dignes d’Aguirre, il ne reste plus rien. Du roman qui a inspiré ces deux films, il ne reste rien non plus, puisque le scénario est prétendument inspiré de celui de Clouzot, alors qu’il ne garde même pas les quatre personnages principaux, et tourne au manuel pour étudiant en cinéma des erreurs à ne pas faire : lieux imprécis mais africanisants avec du pétrole, agrémentés d’un « township » qui ne peut donc exister qu’en Afrique du Sud où il n’y a pourtant pas de pétrole, nénette-prétexte pour nepo-baby qui sert à une scène de sexe sans inspiration et à une histoire d’amour avec encore moins d’inspiration, mais bien entendu hystérique et désarmée, des Arabisants vicieux et des hommes des vrais, avec des flammes ajoutées aux yeux de Gastambide quand d’autres auraient plutôt cherché à jouer. Il y aussi la question Lenoir, Alban de son prénom, qui revient à poser celle des seconds quand ils veulent devenir premiers, c’est-à-dire du comédien amusant mais sans plus de Kaamelott au héros d’action à dents serrées de Balle perdue, avec entre-temps nomination tardive et sans suite aux César. Tout ce gâchis, c’est peut-être pour faire du neuf ou mettre sa patte, d’autant que le réalisateur n’avait pas trop raté son JCVD avec Lukas, mais en fait non, c’est un sous-produit de la culture de banlieue à la Besson, et ce qui ne trompe pas, c’est que Serra est à la musique.
Pour détourner une expression employée pendant le tournage par le rappeur Fianso, devenu acteur par la grâce de son réseau plus que de son talent, ce nouveau Salaire est un film de bandits, qui pillent de ses images une région magnifique sans s’inquiéter assez de la menace justifiant pourtant l’intrigue, et qui prouvent une fois de plus qu’il ne faut pas faire quand on ne sait pas faire.
Pour public averti (ou décidé à rentabiliser son abonnement à Netflix par tous les moyens) : Le salaire de la peur (2024) de Julien Leclercq (qui aura dit « les défis qui attendent le monde, à fortiori la France, sont immenses », à moins que ce ne soit un homonyme), avec aussi Astrid Whettnall (vague doublure de Camille Cottin, avec vraie doublure de carrière) et Bakary Diombera (qui aura hérité du rôle le plus stupide, celui de l’humanitaire qui gueule sur les terroristes pour bien les convaincre de lui tirer dessus)
Avis publié pour la première fois sur AstéroFulgure