Dans une chambre vide, un homme attend allongé sur son lit. Le générique terminé, il se lève et commence un ensemble de gestes s’enchaînant comme une mécanique bien huilée. L’homme a quelque chose derrière la tête, il va voler une voiture mais son visage reste monolithique, impassible. Jef Costello (c’est son nom) connait son métier, qu’il exécute machinalement, fermé au monde extérieur dont il semble ne rien remarquer, même pas la jeune fille qui le drague en voiture. Dès son introduction, Jean-Pierre Melville iconise son personnage et pose le cadre de son film : épuré, aux couleurs froides et au personnage inexpressif et mécanique.
En partant de l’histoire éculée d’un assassinat commandité qui ne se passe pas comme prévu, Melville en tire quelque chose de tout autre, de nouveau, une référence pour les cinéastes à suivre grâce, notamment, à sa mise en scène qui donne un cachet très particulier au film. Il plane sur le film un sentiment étrange, mélange de froideur et de mélancolie.
Alain Delon dévore littéralement l’écran dans son rôle de loup solitaire, qui ne semble vivre que comme une machine à exécuter des contrats semblables et qui sent bien qu’il est désormais pris dans une mécanique autre, bien plus dangereuse, dans laquelle il pourrait bien laisser sa vie.
A ses côtés, la distribution de second rôles est excellente, avec en tête l’excellent François Perrier en flic perspicace et qui sent en Costello quelque chose d’anormal.
Melville signe ici un film où s’enchaîne les séquences marquantes. C’est simple, quasiment toutes restent en tête une fois le film finit : toute l’introduction, le club de jazz, l’interrogatoire, la pose du mouchard,…
Un autre chef d’œuvre de l’homme au stetson, du cinéma français et du cinéma tout court.