Jean-Pierre Melville signait ici un polar psychologique de haute tenue, une méditation sur la solitude du tueur, un portrait fascinant où Alain Delon, remarquablement dirigé et portant le feutre avec élégance, trouvait dans ce personnage de glacial Jeff Costello, son rôle le plus mémorable et en même temps son meilleur.
Melville excellait à faire vivre le milieu des truands, à créer un réalisme social et psychologique sur des thèmes de série noire, mais dans ce film, c'est différent, il ne s'intéresse qu'à un homme solitaire, un tueur méthodique et froid retranché dans son propre univers. Jeff Costello est un fauve tapi au sein de sa petite chambre, prêt à bondir à la moindre alerte, qui n'a pour seule compagnie que son bouvreuil en cage, gardien de ce repaire, et dont le comportement indique à son patron si un importun approche de chez lui. Toute cette solitude et cette attitude aux aguets sont symbolisées par la scène d'ouverture où Jeff est allongé sur son lit, en attente.
Silencieux, rigoureux, le regard froid, sans expression, avec une forme de noblesse qui le rachètera dans la mort qu'il s'est choisie, Jeff est victime de son destin. La mise en scène dépouillée à l'extrême, exprime les mouvements de ce destin, le jeu minimaliste de Delon, les longs silences sans dialogue, tout ceci crée une étrange atmosphère qui rappelle beaucoup Tueur à gages de Frank Tuttle, où Alan Ladd incarnait un tueur solitaire et dont Melville s'est sans doute inspiré, en bon connaisseur du cinéma américain ; mais le film est quand même vaguement adapté d'un roman de Joan McLeod, The Ronin.
Un des plus grands polars à la française, digne des polars noirs US car très inspiré du cinéma hollywoodien, l'un des très grands films de Melville, fort, rigoureux, épuré, et qui atteint une rare intensité. A voir absolument !

Créée

le 11 avr. 2017

Critique lue 1.3K fois

31 j'aime

11 commentaires

Ugly

Écrit par

Critique lue 1.3K fois

31
11

D'autres avis sur Le Samouraï

Le Samouraï
Raf
5

L'oeil strict du Bushido

Premier plan : le formalisme de Melville séduit aussitôt. Le cadrage saisit un appartement austère, spartiate. Des nuances grises se détache le complet anthracite d'Alain Delon. Le samouraï vit dans...

Par

le 17 mai 2011

78 j'aime

5

Le Samouraï
Woe
10

Le Rōnin au masque hypnotique

Seul, il marche, son imperméable et son doulos courbé sur son crâne transperce la nuit, il se dirige inexorablement vers sa proie, rien ne pourra se mettre en travers de son chemin, sa mission...

Par

le 2 oct. 2013

63 j'aime

10

Le Samouraï
Nushku
8

"Je tuerai la pianiste pour ce qu'elle a fait de moi"

Moins aride et abstrait que le Cercle Rouge qui sera tourné quelques années plus tard, plus féminin aussi avec la présence essentielle des deux femmes, "le Samourai" semble être l'apogée du polar...

le 29 mars 2011

56 j'aime

9

Du même critique

Il était une fois dans l'Ouest
Ugly
10

Le western opéra

Les premiers westerns de Sergio Leone furent accueillis avec dédain par la critique, qualifiés de "spaghetti" par les Américains, et le pire c'est qu'ils se révélèrent des triomphes commerciaux...

Par

le 6 avr. 2018

123 j'aime

98

Le Bon, la Brute et le Truand
Ugly
10

"Quand on tire, on raconte pas sa vie"

Grand fan de westerns, j'aime autant le western US et le western spaghetti de Sergio Leone surtout, et celui-ci me tient particulièrement à coeur. Dernier opus de la trilogie des "dollars", c'est...

Par

le 10 juin 2016

98 j'aime

59

Gladiator
Ugly
9

La Rome antique ressuscitée avec brio

On croyait le péplum enterré et désuet, voici l'éblouissante preuve du contraire avec un Ridley Scott inspiré qui renouvelle un genre ayant eu de beaux jours à Hollywood dans le passé. Il utilise les...

Par

le 5 déc. 2016

96 j'aime

45