La première chose qui m’est venu à l’esprit en visionnant ce film, c’est que son auteur, Kinji Fukasaku, spécialiste du yakuza-eigas, est un sacré conteur d’histoire. A sa manière, usant d’un montage nerveux saccadé d’images figées dans lesquelles une voix-off narre des événements, procédés extraordinairement éprouvés dans ses musts, il pénètre dans l’univers du chambara, et réussit purement et simplement un modèle du genre digne de rentrer dans la catégorie des touts meilleurs, aux côtés des grands standards signés par les maîtres que furent Hideo Gosha et Kenji Misumi. Bien que s’inspirant de ses modèles, il délivre un film tout à fait personnel, qu’il agrémente d’une l’énergie propre à ses œuvres.
Nous sommes en 1978, et le genre chambara, vit ses derniers balbutiements, avant d’entrer dans une ère de vaches maigres. Hideo Gosha signe la même année les excellents Bandit Contre Samouraïs et Chasseurs des Ténèbres avant de sombrer dans les années 80 avec le très mauvais Death Shadows. Le génial Kenji Misumi, quant à lui, nous a quittés prématurément.
Sur un scénario de Fukasaku lui-même, Yagyu Clan Conspiracy (titre anglais bien plus approprié que cette traduction française assez aléatoire), reprend une trame assez classique, faite de conspirations et de dualité pour le pouvoir. La trame est plutôt difficile à assimiler, comme souvent dans ce genre, tellement dense et complexifiée par l’entrée en jeu d’une incroyable palette de personnages, parmi lesquels on retrouve quelques têtes d’affiches du cinéma nippon.
De Kinnosuke Nakamura, qui demeure pour moi, l’un des acteurs les plus charismatiques du chambara, au fameux Street Fighter Sonny Chiba, en passant par Toshirô Mifune qu’on ne présente plus et encore Hiroyuki Sanada ou Testurô Tanba, pour les plus connus, Fukasaku rassemble un casting quatre étoiles, avec l’incroyable faculté à n’en faire jamais réellement ressortir l’un plus que l’autre. L’héroïsme s’efface au profit d’une narration qui en fait absolument fi, et s’attache à dépeindre un univers violent et sans concession dans lequel on n’hésite pas à massacrer, même des enfants, pour des considérations faite d’honneur et de pouvoir.
Agrémenté de combats au sabre particulièrement violents, c’est dans cette incroyable énergie dont la stylisation "Fukasakienne" s’est fait une spécialité, que le film prend une dimension nihiliste qui ne lésine pas sur les moyens de mettre en évidence l’implacable absurdité d’une dualité fratricide dans laquelle la notion d’héroïsme et particulièrement mise à mal. Les héros chez Fukasaku, sont la plupart du temps des loups solitaires, vaniteux et égocentriques qui n’agissent que pour leur propre intérêt, qui dessoudent la veuve et l'orphelin...