« A great detective relies on perception, intelligence, and imagination. » SHERLOCK HOLMES

Lorsque Amblin Entertainment, la boîte de production de Steven Spielberg, encore jeune mais débordante de créativité, décide de revisiter l’univers de Sherlock Holmes, ses dirigeants savent qu’ils doivent proposer une approche véritablement inédite pour se démarquer des innombrables adaptations précédentes. À cette époque, Holmes est déjà une figure mythique du cinéma et de la littérature, maintes fois portée à l’écran sous diverses formes. Il est donc impératif pour Amblin de trouver un angle original qui puisse captiver le public et renouveler l’intérêt pour le célèbre détective de Baker Street.

Pour relever ce défi, Chris Columbus, scénariste à succès chez Amblin grâce à ses contributions aux scénarios de Gremlins et The Goonies, entreprend d’écrire un script qui ne serait pas une simple enquête du détective adulte, mais plutôt un prequel explorant la jeunesse de Sherlock Holmes. Ce concept, que l’on nommerait aujourd’hui une origin story, était encore rare au cinéma dans les années 80.

L’idée est de raconter la première rencontre entre Sherlock Holmes et John Watson, alors adolescents dans un pensionnat londonien, et de les plonger dans leur première aventure commune. Cette approche permet de s’éloigner des codes traditionnels du personnage tout en respectant son essence, en dévoilant comment Holmes a forgé son esprit analytique et son goût pour l’investigation.

Le projet est confié à Barry Levinson, qui est choisi pour la réalisation. Cependant, il serait réducteur de considérer cette adaptation comme une œuvre purement « levinsonienne ». En réalité, cette adaptation doit bien plus à l’influence et à la vision de Steven Spielberg son producteur, ainsi qu’au scénario de Chris Columbus. Spielberg, grand amateur de récits d’aventure insuffle au film son sens du spectacle et de la magie, tandis que Columbus apporte une dynamique narrative accessible et rythmée, proche des films familiaux emblématiques des années 80.

En 1985, Young Sherlock Holmes sort en salles. Bien que le film ne rencontre pas un immense succès commercial à sa sortie, il gagne au fil du temps un statut culte, notamment grâce à son ambiance mystérieuse, son esthétique soignée et ses effets spéciaux novateurs (on y reviendra).

Dès les premières minutes, nous sommes plongés dans un Londres victorien minutieusement reconstitué, où le jeune John Watson nous sert de narrateur. Le soin apporté aux décors, aux costumes et à l’esthétique générale du film est remarquable. On sent immédiatement l’influence des grandes fresques d’époque, tout en retrouvant cette patte propre aux productions des années 80. L’ambiance est sombre et brumeuse, fidèle aux récits de Sir Arthur Conan Doyle, tout en conservant une touche de merveilleux et d’aventure. L’immersion est totale, et le spectateur a véritablement l’impression d’arpenter les rues pavées de cette ville fascinante, entre lampadaires à gaz et calèches filant dans la nuit.

L’expérience sensorielle est renforcée par la bande originale signée Bruce Broughton. Sa musique accompagne à merveille l’intrigue, insufflant tantôt une atmosphère mystérieuse et envoûtante, tantôt une énergie aventureuse et palpitante. L’orchestration est riche, et l’usage des cordes et des cuivres apporte une véritable ampleur à certaines scènes clés.

L’histoire débute alors que John Watson, jeune garçon studieux et curieux, fait son entrée dans une prestigieuse école londonienne. Comme le spectateur, il découvre progressivement ce nouvel univers, avec ses règles, ses mystères et ses personnages marquants. Il ne tarde pas à faire la connaissance du brillant mais excentrique Sherlock Holmes, ainsi que de Elizabeth Hardy, une jeune fille vive et intelligente. Très vite, une amitié sincère naît entre eux, formant un trio attachant. Dans un premier temps, le récit se concentre sur leur quotidien à l’école, entre études et rivalités scolaires, avant de basculer dans le suspense et l’enquête lorsqu’une série de meurtres inexpliqués vient troubler leur routine. Le déclencheur : l’assassinat de l’oncle d’Elizabeth, un événement tragique qui pousse nos jeunes héros à mener leur propre investigation.

Nicholas Rowe, Alan Cox et Sophie Ward incarnent le trio de détective. Tous trois livrent une prestation solide, mais c’est véritablement Alan Cox qui capte l’attention du spectateur. En tant que narrateur et véritable point d’entrée dans l’histoire, son personnage est celui auquel on s’attache le plus. Son regard émerveillé, ses réactions face aux événements et sa dynamique avec Holmes en font le cœur émotionnel du film. Ward est plus en retrait, mais son rôle reste crucial dans l’intrigue. De son côté, Rowe propose une interprétation fascinante de Sherlock Holmes adolescent : brillant, méthodique, mais aussi parfois trop enfermé dans sa logique, ce qui le rend plus distant aux yeux du spectateur.

L’une des idées les plus marquantes du film est la découverte d’une concoction hallucinogène utilisée par le tueur pour neutraliser ses victimes. Ce concept donne lieu à certaines des scènes les plus mémorables du film : des séquences hallucinatoires cauchemardesques où la réalité se tord de manière inquiétante. Ces visions permettent au film de déployer des animatroniques impressionnants et des effets spéciaux révolutionnaires pour l’époque. Loin d’être anecdotiques, ces moments apportent un véritable cachet visuel au film, renforçant son atmosphère à la fois sombre et fantastique.

L’une des scènes les plus emblématiques du film est celle du chevalier en vitrail qui prend vie, poursuivant un personnage. Il s’agit du premier personnage entièrement en images de synthèse dans l’histoire du cinéma. Cette prouesse technique est réalisée par Industrial Light & Magic, sous la supervision de John Lasseter, alors à la tête du tout jeune studio PIXAR. Un exploit impressionnant qui annonce déjà l’évolution des effets visuels vers le numérique et préfigure les avancées futures de studios comme PIXAR.

La première partie du film, qui se déroule majoritairement dans le Londres victorien, est particulièrement immersive, avec un mélange habile de mystère et d’aventure. Cependant, l’intrigue prend une tournure plus exotique lorsque nos héros découvrent l’existence d’une secte égyptienne liée aux meurtres. Si ce changement de décor et de tonalité peut surprendre, il permet au récit d’accélérer, menant à un final nerveux et spectaculaire. L’action prend le pas sur l’investigation, et le film bascule presque dans un registre Indiana Jones, avec des péripéties plus intenses et une mise en scène plus dynamique.

Young Sherlock Holmes est une œuvre injustement oubliée, qui mérite pourtant d’être redécouverte. Mélange subtil entre film d’enquête, conte initiatique et aventure fantastique, il anticipe de nombreuses tendances du cinéma moderne, notamment avec son approche de l’origin story. Avec une mise en scène soignée, un trio attachant et des effets spéciaux novateurs, il s’impose comme une véritable pépite du cinéma des années 80.

Pour les amateurs de Harry Potter, ce film est un incontournable. Il représente, à bien des égards, l’embryon cinématographique de ce que deviendra la saga du sorcier à lunettes. On retrouve ici des éléments familiers : une école mystérieuse (presque identique), une amitié indéfectible entre trois jeunes héros, une enquête teintée de magie et de mystère, etc... Des similitudes qui ne doivent rien au hasard, puisque c’est Chris Columbus, scénariste du film et réalisateur de Harry Potter and the Philosopher's Stone et Harry Potter and the Chamber of Secrets, qui a contribué à donner vie à cet univers. Un film à voir absolument pour tous les nostalgiques de cet âge d’or du cinéma d’aventure.

StevenBen
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Steven Benard

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