Attention ma critique contient de sérieux spoilers!
Avant tout Bridge to Terabithia est un roman très connu de Katherine Paterson, et très apprécié dans la littérature enfantine américaine. Le film lui rend un bel hommage. La mise en scène de Csupo ne fait pas dans l’esbroufe ou le spectaculaire mais sait rester au service de l’histoire et des comédiens, et développe des thèmes très forts.
Ici le monde de Térabithia n’est pas une porte dimensionnelle ou une réalité parallèle. Il est juste le fruit de l’imagination des deux héros, ce qui va sceller leur amitié. Ceci peut expliquer la déception éprouvée par certains amateurs de fantasy, puisque le film avait été vendu là-dessus, stratégie commerciale mensongère.
Au départ tout sépare ces deux personnages. Le jeune garçon (Jesse) évolue dans une famille pauvre d’agriculteurs, au milieu de plusieurs sœurs et fait face aux railleries d’autres garçons de sa classe (situation classique). La jeune fille (Leslie), fille unique, vient tout juste de s’installer et ne connaît personne.Elle vient d’une famille aisée et cultivée (ses parents écrivent des bouquins). Leur rencontre et leur amitié naissante est très finement rendue, de même que leurs rapports, la gêne éprouvée par Jesse à certains moments et le côté aventureux de Leslie.
Cette amitié est aussi une association de talents, une association créative. Leslie déborde d’imagination et invente des histoires, Jesse est un as du crayon et dessine comme un pro : auteur et réalisateur / scénariste et dessinateur : que ce soit en cinéma ou en bande-dessinée, cette association indispensable est la base de la création. Normal donc que leur monde imaginaire prenne vie. Monde de substitution, échappatoire à une réalité pas franchement joyeuse. Ils font de Térabithia un refuge où ils peuvent faire face à leurs craintes et leurs peurs : c’est l’essence même du jeu et de l’enfance.
Cette thématique très forte, l’amitié et la puissance de l’imagination, est ici merveilleusement rendue. Et puis le film prend un tout autre visage dans sa dernière partie (ne pas lire si vous n’avez jamais vu le film !) :
Avec la mort subite et très inattendue de la jeune héroïne, le film aborde soudainement et très frontalement la question du deuil et de la perte d’un être cher. Cette partie, à la fois pudique et très émouvante et sur laquelle plane l’ombre d’AnnaSophia Robb, est d’une grande justesse, sans jamais sombrer dans le pathos ou viser le tire-larme.
Les jeunes interprètes, ayant tous deux une filmographie déjà longue comme le bras avant même ce film-ci, jouent leur partition avec talent. Pensez-donc, on a déjà vu Josh Hutcherson dans Zathura, Little Manhattan, Voyage au centre de la terre, Winged creatures (aux côtés de Dakota Fanning), L’assistant du vampire (et depuis dans Hunger Games)… Quant à AnnaSophia Robb, de Winn-Dixie à La montagne ensorcelée, en passant par Charlie et la chocolaterie et Les châtiments, elle rayonne littéralement dans ce film. Même la plus jeune sœur de Jesse, Maybelle, interprétée par Bailee Madison, un petit bout de chou à la bouille improbable fait mouche, et a récemment fait pleurer les foules dans le Brothers de Jim Sheridan. A leurs côtés, la lumineuse Zooey Deschanel en professeur dévouée et Robert Patrick en agriculteur fauché sont au diapason.
Au final, Le secret de Térabithia est un beau film au sens premier du terme, soigné dans sa réalisation, aux effets spéciaux réussis mais pas envahissants, et aux interprètes justes. Où tout concourt à livrer une partition émouvante. Peut-être un des films familiaux, et sur l’enfance, les plus réussis de ces dernières années.