Un film assez peu connu, à cause de certains critiques qui avaient estimé que ce n’était qu’une variante du Rebecca de Hitchcock dont Fritz Lang avouait s’être inspiré. Mais cette variante permet à Fritz Lang de montrer son originalité dans le gothique et le fantastique.
Une innocente jeune fille, Celia (Joan Bennett), après une idylle rondement menée, se marie avec Mark Lamphere, un jeune architecte de bonne famille (Michael Redgrave). « L'amour est, chez une femme, la confiance la plus illimitée, unie à je ne sais quel besoin de vénérer, d'adorer l'être auquel elle appartient. » Balzac. Mais très vite les soupçons s’installent chez la jeune fille. Mark commence par quitter inopinément le foyer le temps de mener à bien certaines affaires secrètes. Et Célia apprend ensuite que Mark a un fils, qu’il avait aussi une femme aujourd’hui décédée et que ses affaires ne sont pas si florissantes, (je recopie ici le résumé d'un téléfilm américain de TF1 pris au hasard).
Comme dans Rebecca la vaste maison isolée de l’architecte se ligue contre la jeune femme. Mark y collectionne sept « chambres heureuses », un peu comme les schoïnopentaxophiles collectionnent les cordes de pendus. Je suis pas peu fier d'avoir réussi à placer ce mot qui me rapportera probablement le maximum de points possibles sur le site…
En savoir plus sur: https://jeretiens.net/le-nom-des-collectionneurs/.
A l’occasion d’une visite guidée que Mark commente devant ses amis, Celia va découvrir que ces chambres heureuses sont en fait des scènes de crimes sexuels minutieusement reconstituées.
Comme dans Barbe Bleue, une chambre, la pièce n° 7 reste interdite de visite et Mark en garde jalousement la clé.
Fritz Lang va ensuite brouiller les pistes. Une secrétaire sévère, à l’instar de la Miss Danvers de Rebecca, et défigurée, rode dans la maison et semble veiller jalousement sur un secret. Le fils perturbé de Mark est muré dans ses livres et dans le silence. La sœur de Mark, célibataire, semble diriger toute la maisonnée. Mais le spectateur se demande aussi si tout cet échafaudage mental n’est pas paranoïa et suspicion infondée de Celia. C'est là le talent du metteur en scène de jouer sur cette ambiguïté avant la révélation finale. Roulement de tambour…
« Et lorsque l'Agneau ouvrit le septième sceau, il se fit un silence dans le ciel, environ une demi-heure.
Et je vis les sept Anges qui se tiennent devant Dieu ; on leur remit sept trompettes. »(Apocalypse de saint Jean l'Évangéliste)
En fait, la fin, de l'avis même de Fritz Lang, est assez ratée.
Fritz Lang, dans le supplément bonus, explique qu’il a voulu montrer que chaque homme pouvait devenir un criminel en puissance, que chaque homme avait sa part de Bien et de Mal. Pas très original mais des dizaines de blockbusters reprennent le même argument. Le personnage de Mark est ainsi partagé entre ses instincts morbides et son désir de vivre un amour sincère. Le spectateur est ainsi guidé dans une intrigue dont l’enjeu est de deviner si cet homme dominé par les femmes saura dominer ses pulsions. Oui, car l'histoire est hélas nappée de sauce psychanalytique, comme c'était la mode à une époque.
J’ai failli oublier de mentionner la belle prestation de Joan Bennett, qui éclaire le film en permanence par sa présence et dont l’oubli actuel ne provient que de son souhait de privilégier sa vie familiale à sa carrière.