Durant les 5 premières minutes je me suis vraiment attendu à un navet. La succession de plans fonctionne mal, et les acteurs semblent avoir été incrustés sur le fond vu les différences d'éclairage et de texture. J'ai alors vite zieuté sur SC la note et voyant qu'elle n'était pas glorieuse, je me suis attendu au pire.
Et puis, sans crier gare, ça devient étrangement bon. Charlton est moins théâtral, le découpage fonctionne mieux et le technicolor révèle ses atouts. Ce n'est pas tout, l'écriture se fait aussi plus subtile. Il est vrai que la première scène est très explicite pour présenter les enjeux et si j'ai pu tiquer sur le moment, je ne le regrette pas au final ; c'était un mal nécessaire et puis surtout le film qui en découle frôle la perfection.
Ce qui m'a plu au niveau de l'histoire c'est la façon de rendre complexe le personnage incarné par Heston. Pour rendre un personnage complexe, il suffit de lui imposer deux traits de caractère qui vont devoir cohabiter. Plus ces traits sont opposés, et plus leur agencement donnera l'impression d'une grande complexité. Dire que le héros est aussi complexe que n'importe quel être humain est donc certainement exagéré, mais par contre j'approuve avec le fait que sa complexité soit très finement exploitée. Ici, en l’occurrence, notre chevalier voit ses croyances, ses convictions,(suivre sa loi = trait de caractère) bouleversées par celles des autochtones. Il tente alors de conserver les deux mais s'y prend mal : il prend ce qui lui plaît dans l'une puis dans l'autre. Alors qu'un agencement (au terme où Deleuze l'entend) signifierait de prendre le bon mais avec parcimonie, pas dans un but de satisfaction purement égoïste.
Autre atout, le monde médiéval habilement exploité. A vrai dire je regrette de ne pas avoir vu ce film quand j'étais gamin, je l'aurai reconstitué avec mes légo avec beaucoup de plaisir. On y retrouve tous les ingrédients : aventure, trahison, demoiselle à conquérir, attaque/défense d'une tour, des douves, des béliers pour défoncer la porte. C'est un vrai rêve qui se déroule devant mes yeux d'enfants. Non seulement l'univers mais aussi les lieux en soi sont bien exploités : les pièces qui composent la tour se font vite familières et sont intéressantes graphiquement.
Les personnages sont bien écrits et les scénaristes ne font pas vraiment de concession. Chacun trouvera une résolution à son histoire, bonne ou mauvaise, si bien que la fin est définitive, rien n'est laissé en suspend et chacun a été mis en scène jusqu'au bout. Les acteurs pour les interpréter sont tout aussi bons. Ça me fait toujours peur de regarder un film avec Heston dedans car je sais que son jeu théâtral peut s'avérer à double tranchant. Fort heureusement le macho de ces dames s'emboîte adéquatement dans cette époque où la femme était inférieure à l'homme, ce qui donne lieu à une reconstitution des vies et mœurs de l'époque assez saisissante.
Techniquement le film est également irréprochable. L'action est lisible, et l'on ne perd rien de la stratégie mise en jeu lors des attaques ennemies. On pourra peut être reprocher une mise en scène fort théâtrale. Schaffner n'essaie pas d'amener des subtilités par le maniement de la caméra et du son, il se 'contente' d'être juste et de raconter son histoire avec le plus d'efficacité possible. Ce qui n'est pas un mal! Au moins il évite les mouvements gratuits et distrayants. La photographie est souvent superbe grâce au technicolor qui amène des cieux incroyables. Certaines scènes sont vraiment grandiose juste grâce aux couleurs.
Bref, "Le seigneur de guerre" est un très bon film médiéval que je recommande. En plus y a un nain dedans!