Parce que le film est ambitieux, il a ses amateurs qui l'excusent. Je peux les comprendre, et j'ai du respect pour Ralph Bakshi et son audace. Mais soyons honnêtes : Il a vu beaucoup trop gros sur ce projet et s'est surestimé. A quoi bon créer l'un des films d'animation les plus longs de l'époque si c'est pour qu'il soit un test d'endurance à regarder ?
Il y a d'abord le problème de l'histoire : Si vous ne la connaissez pas déjà, impossible de suivre. Condenser le premier tome du SdA en 2 heures est déjà dur, alors si on rajoute le second… Le film est obligé de tout faire en accéléré, perdant et assommant son spectateur. Impossible de prendre pied dans l'univers ou de s'impliquer dans le scénario.
Si je parle de "test d'endurance", c'est aussi à cause de l'animation. Déjà, il aurait été bien de choisir un style : La collision entre rotoscopie grossière et personnages dessinés empêche toute immersion. Et en plus, les deux sont moyens : La rotoscopie marche bien pour les nazguls ou les orques (moches mais effrayants) mais très mal pour les humains (les ridicules combattants du Rohan ou l'auberge de Brie), tandis que l'animation a de beaux mouvements (grâce à la rotoscopie) mais des visages affreux changeant à chaque plan. Certaines séquences allient méthodes d'animation peu orthodoxes et colorimétrie folle pour fournir un délire hallucinatoire dur à regarder, par exemple l'affreuse bataille du gouffre de Helm. Le rythme fonçant à toute vitesse empire ces problèmes, malmenant le spectateur par l'enchaînement brutal de styles et couleurs éclectiques.
Et dans ce bouillon déjà bien étrange, surnagent des bizarreries inexplicables, donnant le clou pour faire du film un nanar : Pourquoi les héros sont si laids (on se croirait dans les fameuses cinématiques de Link : Faces of evil) ? Pourquoi Gimli est un nain géant ? Pourquoi tout les personnages s'agitent comme si ils jouaient dans un vaudeville (Gandalf en particulier en fait des caisses) ?
Ou encore : Pourquoi un tel homoérotisme ? Ce dernier élément est flagrant à un point où cela semble fait exprès : Il faut voir les hobbits se lancer constamment des regards de braise, se prendre la main et se frotter les uns aux autres pour y croire. Frodon semble avoir un gros crush sur Aragorn, qui ne paraît pas lui non plus insensible à son charme. Au fond, il n'y aucun mal à installer une telle ambiance, sauf qu'elle tranche beaucoup avec le ton très sérieux.
Plutôt que cette tambouille impie, il aurait été possible de faire un film d'une 1h15 résumant le premier livre ! Et nul besoin d'être Disney pour ça : Il n'y a qu'a voir Les Douze Travaux d'Astérix, sorti deux ans plus tôt, et dont l'animation est bien plus réussie.
Bref, Ralph Bakshi s'est planté. Et il n'y a pas de mal, ça arrive même aux meilleurs. Heureusement, son échec est très drôle à regarder.