Après un 1er chapitre ("La Communauté de l'Anneau") ayant conquis la critique et le public, le réalisateur Peter Jackson passe à la vitesse supérieure avec "Les Deux Tours", adaptation du deuxième tome du "Seigneur des Anneaux" de Tolkien.
Reprenant exactement là où le film précédent nous avait laissé (Frodon et Sam partent en direction du Mordor pour y détruire l'Anneau Unique; Aragorn, Legolas et Gimli se lancent à la poursuite des troupes de Saroumane ayant kidnappé Merry et Pippin), ce second chapitre frappe d'emblée par son changement de mise en scène. En effet, le montage linéaire du 1er opus (centré sur la Communauté en elle-même) cède la place au montage alterné, c'est-à-dire à une narration fragmentée en plusieurs segments narratifs (Frodon, Sam et Gollum d'un côté; Aragorn, Legolas, Gimli, puis ensuite Merry et Pippin chez les Ents). Plutôt que d'affadir l'ensemble, ce changement de narration confère justement au film une certaine limpidité; Jackson se permettant même de jouer avec les effets de mise en scène pour notre plus grand plaisir (le suspense et les cliffhangers notamment).
L'autre nouveauté majeur des "Deux Tours" est l'arrivée de Gollum dans le récit. Entraperçu brièvement dans le film précédent, il jouera cette fois-ci un rôle central. Interprété de manière savoureuse par Andy Serkis très habité par son rôle, Gollum constituait en son temps une petite révolution technologique dans la mesure où il constitue l'un des premiers personnages joué entièrement en "motion-capture" (technique permettant d'enregistrer les positions et rotations d'objets ou de membres d'êtres vivants, pour en contrôler une contrepartie virtuelle sur ordinateur). On remarque d'ailleurs que Jackson prend visiblement beaucoup de plaisir avec ce procédé, le temps d'une séquence admirablement bien réalisé dans lequel le spectateur prend conscience de toute la schizophrénie du personnage et donc du profond danger qu'il constitue.
Plus encore que dans "La Communauté de l'Anneau", "Les Deux Tours" insiste d'avantage sur les enjeux et dilemmes moraux auxquels sont confronté nos différents protagonistes (Frodon devenant de plus en plus dépendant de l'Anneau malgré les recommandations de Sam, Aragorn très tourmenté par son délicat statut d'héritier du trône du Gondor et par son histoire d'amour fragile avec l'Elfe Arwen) , lui conférant ainsi une dimension tragique aux accents quasi "Shakespearien" et de fait, d'en faire bien plus qu'un simple "bon film d'aventures".
A noter qu'en terme de grand spectacle, "Les Deux Tours" envoie clairement du très lourd. Visuellement parlant, la bataille finale du Gouffre de Helm entre les troupes de Saroumane et celles du Rohan est tout simplement bluffante. Que ce soit en terme d'enjeux narratifs (il y est question de repousser la 1ère vraie grande attaque de Sauron le Seigneur des Ténèbres sur le monde des Hommes) et d'effets spéciaux (des centaines de figurants, certains réels et d'autres entièrement numérisés), elle est passionnante à suivre de bout en bout, se permettant même quelques légers traits d'humour bienvenus de la part de Legolas et Gimli, jouant à celui qui aura tué le plus d'ennemis. A noter également, en montage alterné, la non moins spectaculaire charge des Ents (créatures mi-arbres mi-géants) contre la forteresse d'Orthanc de Saroumagne, l'autre gros morceau de bravoure du film.
En somme, agrémenté de nouveaux personnages utiles à la narration (Gollum, Eowyn, Faramir, Sylvebarbe), optant pour une mise en scène plus espacée permettant de mieux mettre en avant les états d'âme des personnages, servit par des comédiens très impliqués (Viggo Mortensen au sommet de son charisme, Elijah Wood plus ténébreux en Frodon de plus en plus possédé, Christopher Lee machiavélique à souhaits en Saroumane) et accompagné de scènes de batailles qui ont clairement marqué le cinéma hollywoodien de ces 20 dernières années, "Les Deux Tours" constitue bien plus qu'une simple suite réussie : un second chef d'oeuvre.