Quand on se lance dans un film comme Pamfir, qui assaille les yeux de ses plans-séquence très ostensibles, très calculés et pas toujours légitimes, on est naturellement sur ses gardes. De mon côté, je sens poindre un cinéma d'auteur correspondant à une certaine caricature, empesé, prêt à asséner son message avec une arrogance non-négligeable. Mais si le film de Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk (gloire au ctrl + C / ctrl + V) n'échappe pas à certains clichés, esthétiques et discursifs, je dois avouer avoir été régulièrement absorbé, si ce n'est hypnotisé, par l'ambiance qu'il est parvenu à tisser autour de son personnage principal interprété vaillamment par la montagne Oleksandr Yatsentyuk.
Petit aparté musical et folklorique : je saurais presque me satisfaire des quinze dernières minutes, à titre personnel, avec la célébration du Malanka, un carnaval traditionnel ukrainien où les hommes se déguisent en bêtes (boucs, ours, loup) avec des costumes de paille comme sortis d'une toile flamande inquiétante, sur fond d'une musique tout aussi étrange (et pour le moins envoûtante : https://www.youtube.com/watch?v=3jIDRx1VXZo).
Difficile de réfréner un sentiment : celui de regretter le fait que beaucoup de clichés émaillent le récit, sur le thème de la parentalité, qui s'ils étaient transposés dans un cadre conventionnel (disons, français ou nord-américain), seraient particulièrement rébarbatifs. C'est l'éternelle histoire de ce père retrouvant sa famille après une longue période d'absence, qui souhaite faire table rase d'un passé trouble, mais se retrouvera face à un dilemme le contraignant à tordre les promesses qu'il s'était faites à lui et à son entourage. Bon sang qu'on les voit venir, toutes les emmerdes autour de Leonid dans cette région rurale de l'ouest de l'Ukraine (le film a été tourné avant la guerre, il n'y a donc rien qui y fasse référence)... Forcément, pour "le dernier coup" qui permettra d'éponger les dettes auprès d'un mafieux local, tout ne va pas se passer comme prévu, cela relève de l'évidence. De même, en procédant exclusivement par le langage du plan-séquence, le réalisateur finit par enfermer son récit dans un systématisme pas toujours constructif. C'est un peu dommage car on perçoit au-delà de tous ces défauts une matière originale, percutante, assurée, et solidement mise en scène.
Je retiendrai néanmoins quelques beaux aspects, au-delà des clichés slaves et de l'impossible rédemption. Le colosse qui prend des amphétamines (du viagra en l'occurrence) pour courir jusqu'à la frontière roumaine et refiler de la contrebande ou pour se bastonner contre des dizaines de gars, la vieille femme qui déclenche sans le vouloir un drame, l'homme à l'allure bestiale qui sait se montrer extrêmement tendre envers son fils, et ce plan final d'une beauté glaciale.
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