A travers le cas du dénommé Pierre Wesserlin, Eric Rohmer démythifie la vie de bohème. Musicien oisif qui croit plus en la chance, en son signe zodiacal, qu'au travail ou en son talent, Pierre déambule dans Paris en "tapant" ses copains.
Le début du film de Rohmer rappelle par moments les premières oeuvres de Chabrol, tournée à la même époque, en ce qu'il montre une jeunesse parisienne "branchée", peut-être superficielle, un jeunesse de noceurs en tout cas. Mais, bientôt, alors qu'il se retrouve seul dans la capitale, Pierre découvre le côté face de son existence. Sans le sou et esseulé, Pierre entame progressivement le court chemin qui mène l'artiste bohème à la clochardisation. Et Rohmer d'entamer, lui, le long récit d'une errance solitaire dans les rues de Paris.
Le cinéaste alterne les endroits historiques et monumentaux de la capitale et ses quartiers populaires. Il plonge son personnage (interprété par l'inattendu Jess Hahn) dans la foule, y puisant la forme originale et réaliste de son premier long métrage (conformément à un "dogme" de la Nouvelle Vague).
A la symbolique malicieuse de certains plans (lorsque Pierre, déjà bien dépourvu, passe et repasse devant le Panthéon), Rohmer associe des scènes plus prosaïques, plus graves, montrant son personnage à la rue, sur les marchés, dans la recherche piteuse de moyens de subsistance. Mais nul misérabilisme ici tant le ton est juste et la mise en scène maitrisée, principalement dans l'expression de la déchéance de Pierre. Et le réalisateur se permet même de conclure son film, que l'on prend longtemps pour une leçon morale, par un argument de conte de fées.
Un film surprenant et attachant.