Première nouvelle, dans son premier long-métrage Jean-Pierre Melville faisait du Robert Bresson avant Robert Bresson, ce qui fait que Robert Bresson était un réalisateur melvillien et non pas Jean-Pierre Melville un réalisateur bressonnien. L'utilisation qui est d'une voix-off sobre et de la musique classique préfigure un chef d'oeuvre comme Un Condamné à mort s'est échappé.
Et puis surtout, Jean-Pierre Melville était une Nouvelle Vague avant la Nouvelle Vague. A l'époque, seuls les professionnels avec une carte montrant bien qu'ils étaient professionnels pouvaient réaliser des longs-métrages et les faire distribuer dans les circuits commerciaux habituels, mais Jean-Pierre Melville n'en a eu rien à foutre et il a foncé. Doublement précurseur le gars en plus d'être un metteur en scène exceptionnel.
D'où un tournage compliqué, fait avec des bouts de ficelle parfois, ce que le résultat ne montre pas ou très peu. La photographie est par exemple superbe, du véritable travail de pro. L'interprétation, enfin surtout celle de Howard Vernon, est excellente. Le scénario, tiré de la nouvelle de Vercors, est bien écrit et approfondit bien le personnage principal. On pardonnera quelques moments de flottement dans l'ensemble, et on ne s'étonnera nullement qu'on a affaire au futur réalisateur de très grands films comme Bob le Flambeur ou encore Le Doulos et bien sûr le chef d'oeuvre des chefs d'oeuvre L'Armée des ombres.