Ford deux chevaux
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le 24 juin 2014
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Commençons par une question simple, bien "actuelle" : à quel genre appartient The Sun Shines Bright ? Est-ce une comédie... oui, vraiment les choses se terminent bien et pour tout le monde même... pour nous spectateurs et pour le juge Priest bien qu'il y pleure aussi comme dans un mélodrame et définir un genre sur sa seule conclusion, sa seule cadence finale dont l'artifice déclencheur - la voix qui fait basculer le vote - est aussi drôle, facétieux qu'il est poignant est sans doute un peu précipité. Ce serait sans doute accorder à une convention - même magnifiquement exécutée - le poids d'un regard, prendre la forme pour le fond. Un drame alors, une tragédie ? Celle, ponctuelle mais dont la place au cœur du film dit l'importance - est certes évitée mais qu'en sera-t-il plus tard ou juste une autre fois ? Et cette tragédie rampante et permanente qui ostracise et broie les vies de nombre des habitants de cette ville très à cheval sur les conventions... Est-ce un film choral ? Un drame collectif ? Le portrait d'un homme providentiel au contraire ? Un documentaire fouillé de mille détails sur une ville du Sud des États-Unis en 1905 ? Une farce d'anciens combattants assagis ? Un pamphlet politique ?
Je proposerais volontiers un genre supplémentaire : exégèse évangélique...
Mais ce n'est peut-être après tout, de l'aveu même de John Ford, qu'un bon film, c'est-à-dire un film qui appartient au genre humain, qui nous appartient à tous, genre humain décrit, non seulement vu mais expérimenté par le spectateur et dans une expression de mœurs collectivement circonstanciée hic et nunc, et dans une vérité de comportements individuels reliés néanmoins clairement à cette collectivité, vérité qui ouvre puissamment la porte à une reconnaissance universelle par d'autres membres du genre humain n'ayant que peu à voir a priori avec la société ici décrite.
Il y a bien sûr la faculté de John Ford pour brosser quasi immédiatement un personnage, aussi vivant, vibrant que possible. À la lumière du soleil de ce film, il me semble que cette faculté - qui culmine ici - est une façon unique de saisir, d'embrasser tout personnage avec son ombre et sa lumière, sa grandeur et son ridicule, sa ténacité et son entêtement aveugle, sa soumission et sa révolte, sa ruse et son désintéressement, sa souffrance et sa joie quasi simultanément, dans un même regard. Et que dire ici du nombre proprement hors normes des personnages qui passent ainsi, avec cette puissance vibrante du vivant ?
Dire que le soleil de John Ford brille pour les bons et les méchants comme ce Père des évangiles.
Que son cinéma est justement une forme de promesse évangélique tenue, une révélation de notre être social, du peu de poids que nous avons - notre liberté, notre croyance, notre clairvoyance - dans une foule et sans le secours d'une structure collective, d'un principe de justice bien fragile ?
Ou alors, après tout certains personnages ici sont historiquement connus... The Sun Shines Bright n'est-il que apologie à peine masquée - une rédemption peut-être ? - d'ex-massacreurs sordides, obtus et racistes...
Ce n'est, à mon avis, pas la moindre des forces du film de partir de si loin, d'un passif si catastrophique et de faire de l'un de ces hommes que nous mettons aujourd'hui au ban du cours de l'histoire celui qui sauve sa communauté de l'intolérance et d'un nouveau massacre... peut-être d'avoir appris lui-même de son ombre et du brouillard de la conscience, alors oui, il peut bien pleurer à la fin de soulagement et d'une espérance même fine et fragile
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Créée
le 13 mai 2021
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