Pas mal de mecs de ma vieillissante génération ont probablement ressenti à une période de leur vie une fascination pour Bébel et ce, au delà de Jean-Paul Belmondo lui-même. Entre 8 et 13 ans, j'ai voué une grande admiration pour cette icône mixant avant l'heure, la testostérone de Stallone, la carrure et la touffe de Charlton Heston jusqu'aux bras de mon arrière grand-mère polonaise Babcia.
Comme emporté dans un délire schizophrénique, je portais, comme lui, mes anoraks en retroussant mes manches et me baladais en calant une réplique plastoc d'un 357 contre mon pubis tout en singeant sa démarche exagérément cool. J'étais tour à tour "Flic Ou Voyou", "L'As des As", le Commissaire Letellier de "Peur Sur La Ville", Joss Beaumont "Le Professionnel" ou "Le Magnifique" Bob Saint-Clar.
Ma désintox au Bébel a commencé avec "Hold-Up" (1985) qui voulait péter beaucoup trop haut pour son cul et s'est poursuivie par "Le Solitaire" qui a enclenché l'implosion du mythe Bébel.
Il y a quelques jours de cela, en échouant sur HD1, je me suis laissé emporter vers "Le Solitaire", un film dont je n'avais gardé qu'un goût fadasse mais sans amertume particulière. Malheureusement, 28 ans de cinéma plus tard, ce film n'a pas échappé à sa lente et triste putréfaction.
"Le Solitaire" (1987) est signé Jacques Deray, cador du polar "à la française", maintes fois auréolé de succès lors des 70's en compagnie du frère ennemi Delon via des péloches telles que "La Piscine", "Flic Story", "3 Hommes A Abattre" ou "Le Gang". 4 ans après le collossal succès du "Marginal", cette ultime collaboration avec Belmondo sonnera comme l'épitaphe de la carrière dorée du réalisateur...
Le commissaire Stan Jalard et son ami l'inspecteur Simon Lecache (Michel Creton) s'apprêtent à quitter la Police contre une vie paisible aux Antilles. Mais lors d'une visite de routine dans une boite à putes, ils repèrent Charly Schneider (Jean-Pierre Malo), l'ennemi public n° 1 ! Au moment de l’interpeller dans les chiottes, Simon se fait froidement abattre (juste avant de se faire flinguer, Michel Creton en profite pour recycler sa réplique de l'addition tirée des "Bronzés"). Déterminé à venger la mort de son ami, Stan se résigne à rester dans les rangs de la Police. Deux ans après le drame, le superflic est désormais le patron de l'Office Central de Répression du Banditisme lorsqu'on l'informe que Schneider refait surface à Paris. Une longue (et navrante) traque commence alors...
"C'était le polar de trop, j'en avais marre et le public aussi" aurait déclaré un JiPé encore lucide pour justifier l'échec cuisant du film. "Le Solitaire" (rien à voir avec le film homonymique de Michael Mann) tente d'exploiter et de nous resservir les ingrédients de la recette qui façonnèrent la légende Bébel : un polar décontracté arrosé de ramponneaux, de fusillades, de cascades en 504 ou R18 et saupoudré de punchlines mais malheureusement, Michel Audiard a définitivement tiré sa révérence depuis deux ans.
Manifestement, lors de chaque plan Bébel n'y croit plus. Il traine une flagrante désinvolture tout le long du film en enquillant des dialogues alternant entre homophobie et misogynie et de balourdes bastons. Il mène son enquête les mains dans les poches, le cigarillo aux lèvres en questionnant de temps à autre un patron de bar pour dénicher tranquillou les bad boys. L'ennemi public n°1 qu'il pourchasse est censé être aussi violent et extrême que Mesrine mais c'est peu crédible tant il m'a fait songer au nounours Christophe Bourseillier. L'intrigue et l'intensité dramatique atteignent paresseusement le niveau d'un mauvais épisode du "Commissaire Moulin" ou de "Navarro" surtout quand le film est fréquemment charcuté par des scènes se voulant tendres et espiègles entre Stan et Christian, le jeune fils de son pote défunt, rappelant ainsi celles dégoulinantes de tendresse entre Doudou et son commissairrrrrre de pèrrrrrre.
Affligeants de fausseté, tous les seconds rôles ont été livrés à eux-mêmes à l'exception des fidèles de la bande à Bébel : Michel Beaune et Pierre Vernier. Le pompon revient à l'inutile apparition de Carlos Sotomayor la belle de Bébel du moment, venue placer la promo de son single (un attentat sonore propageant les pires effluves de la funk des 80's), calé au milieu d'une bande son déjà suffisament dégueu.
A 54 ans, JPB aura eu l'intelligence et la classe d'arrêter les frais en rangeant sa panoplie usée de superflic puis d'emprunter l'itinéraire qui s'imposait en y glanant aussitôt un César qu'il conchiera avant de se spécialiser dans l'élevage de bimbos et se taper des yorkshires.