Le Sommet des dieux

Un beau et grand film d’aventure, mais qui est autant intéressé par les raisons qui motivent l’exploit que par l’exploit lui-même. C’est donc aussi un film d’enquête, qui mêle ces deux genres dans sa narration et sa structure. Ce qui en fait un très bon divertissement et un truc dont l’animation française peut être fière.

Le film débute sur un macguffin, un objet qui lance l’intrigue. Mais c’est aussi un totem, une synthèse de l’univers qu’explore cette intrigue. Au cœur de cet univers, et du récit, une question complexe : qu’est-ce qui anime ceux qui se lancent des des quêtes aussi dangereuses que superflues ?

Le film alterne donc entre l’enquête que mène un journaliste sur la vie d’un alpiniste et les tentatives de ce dernier visant à dépasser les limites de sa discipline et à se dépasser lui-même. L’animation retranscrit bien toute la beauté de l’univers blanc qui se trouve au-dessus d’une certaine altitude, mais sans oublier, bien sûr, d’en montrer aussi tous les dangers. Ce sont des scènes tendues et terrifiantes, mais qui offrent aussi du souffle et de l’épique.

Et qui incarnent bien tout ce qui est au cœur du film : des lieux aussi attirants que mortels, des exploits aussi beaux que dangereux. Le film sait qu’à la question du “Pourquoi ?”, il ne peut donner une réponse en mots, parce que ses personnages ne sauraient les formuler eux-mêmes.

Il ne peut que la figurer en images et en sons (animation, musique et bruitages travaillent tous autant dans les séquences d’alpinisme) et montrer que nous aussi, spectateurs, sommes séduits par le danger. C’est donc quelque chose de plus complexe et d’indéfinissable que le simple sens de l’exploit.

C’est peut-être une volonté de se confronter à une puissance grandiose. C’est une envie de transcendance, un désir de s’élever. Et, pour certains, le rêve d’y survivre pour pouvoir raconter l’expérience et la prolonger. C’est une des choses que permet le cinéma, et c’est une des choses que permet l’alpinisme. Le film joint ces deux disciplines à travers l’animation, elle-même une transcendance de la réalité.

Mais ce qui m’intéresse le plus dans le film, c’est que toutes ces considérations un peu philosophiques sont, au fond, rattachées à un simple sens de l’aventure. Et c’est donc sa capacité à rester, malgré tout, un divertissement avec du souffle et de belles images. C’est aussi sa capacité à créer un sens palpable du danger dans un univers qui n’est pas réel, non pas capté par une caméra mais créé par la main et l'œil. Encore une fois, il y a de quoi se la péter pour l’animation française (même sous inspiration japonaise).