Ça a été peut-être la seule grande erreur de ce film…
On est à la toute fin du métrage. Le personnage principal, Fukamashi, contemple le parcours accompli et il médite. Il médite mais surtout il se met à parler.
Comme si c’était plus fort que lui, il ne peut s’empêcher de verbaliser le bilan qu’il entend tirer de toute cette histoire…
…Et ces quelques phrases – c’est terrible – mais elles ont été de trop.


De trop parce que ce n’était pas nécessaire.
Mais aussi et surtout de trop parce que ça a finalement réduit toute la portée de ce film à une formule toute faite : « La destination, le chemin, tout ça, tout ça… »
Dommage parce qu’en fin de compte ce Sommet des dieux n’avait pas besoin de ça. Et si je devais même être plus précis sur mon ressenti, je dirais même plus qu’à mon sens le propos de ce film se trouvait au-delà de tout ça…
…Au-delà des mots.


Parce que si je devais résumer mon expérience de ce film-là je dirais qu’elle a été avant tout sensorielle, plus que discursive.
On m’a posé une atmosphère, un univers, un parcours.
Plus que la prouesse fascinante de ces explorateurs de l’impossible, j’ai surtout été sensible pour ma part à cette fascination elle-même ; notamment la fascination de ce Fukamashi prêt à à suivre des alpinistes à des hauteurs vertigineuses juste pour voir, saisir, comprendre, ce qui anime ces gens…


C’est d’ailleurs pour moi la première grosse force de ce film : le point de vue adopté.
On est au cœur de la question mais on est malgré tout à distance.
Au fond le seul moyen de savoir ce sera toujours au final d’y aller soi-même, et ce sera justement à ce parcours là – celui de Fukamashi – que ce Sommet des dieux va essentiellement s’intéresser.
Alors après c’est certain que ce choix ne relève pas du film en lui-même mais plutôt de l’ouvrage dont il est adapté – le manga de Jiro Tanigushi – et face auquel Patrick Imbert a eu l’intelligence de se plier.
D’ailleurs plus j’y pense et plus je me dis que c’est sûrement cela que Patrick Imbert avait de mieux à faire : se plier.
…Du moins se plier sur le fond – se plier sur le propos – et ne s’exprimer que sur le seul domaine qui finalement relevait de lui.
La forme.


Car qu’est-ce qu’adapter du manga au dessin-animé si ce n’est cela : questionner la forme ?
…Questionner le chemin plutôt que la destination ; la manière de dire plutôt que le discours lui-même ?
Que ce soit dans les couleurs, dans le trait, dans le rythme, Imbert parvient à insuffler cette étrange force qui semble animer ses personnages.
La fureur sous la quiétude. Le déferlement derrière le silence.
En cela je trouve qu’Imbert est parvenu à capter quelque-chose de très japonais, quand bien même son film soit malgré tout très imprégné de francité de par ses dialogues, ses timbres de voix, voire même au travers de cet accompagnement musical – assez remarquable d’ailleurs – d’Amine Bouhafa.


Globalement c’est sublime…
…Mais il a juste fallu que Fukamashi parle trop à la toute fin ; ou plutôt qu’Imbert le fasse trop parler.
Tant pis. Pas grave pour autant.
Qu’au moins son erreur me serve de leçon.
A mon tour de ne pas trop parler.
Car au fond le meilleur moyen de savoir ce qui anime ces gens ce n’est pas d’observer et de disserter…


…C’est d’y aller.

lhomme-grenouille
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le 22 févr. 2022

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