Il y a des films qu’il vaut mieux aller voir vierge de tout avis et de tout élément marketing.
J’ai eu la chance de voir Le Successeur sans savoir aucunement de quoi parlait le film, sans avoir vu de bande annonce, ni lu de synopsis. Je ne saurais que vous conseiller d’y aller les yeux fermés : j’ai reçu le film comme ma première vrai belle claque cinématographique de l’année !
Il faut dire que Xavier Legrand était attendu au tournant pour son second long métrage (c’est toujours un cap difficile à passer pour un réalisateur), six ans après l’énorme succès de Jusqu’à la garde, qui avait reçu un excellent accueil, aussi bien de la presse que des spectateurs et des professionnels, glanant 4 Césars dont celui de meilleur film 2019.
Le Successeur est l’adaptation du roman L’Ascendant d’Alexandre Postel et retrace l’histoire d’Elias, un jeune créateur de mode québécois, coqueluche de la haute couture parisienne, obligé à la veille de la sortie de sa nouvelle collection de renouer avec ses racines suite à l’annonce du décès de son père. Bad timing : le voilà contraint de rentrer au Québec pour quelques jours, pour s’occuper de la corvée des obsèques. Il n’est pas au bout de ses surprises…
Dès les premières images – un défilé de mannequins dans un décor de spirale sans fin – le ton est donné : Le Successeur promet un film très esthétique, mais où plane toujours un léger malaise. Le personnage du créateur de mode est à la fois rebutant, par son air hautin et supérieur ; mais aussi attachant par sa fragilité, ses crises d’asthme et ses peurs intérieures.
Il faut ici saluer l’exceptionnelle interprétation de Marc-André Grondin, que l’on a notamment pu voir à l’affiche du Premier jour du reste de ta vie, et bien entendu dans C.R.A.Z.Y où sa prestation avait déjà marqué les esprits. On peut quasiment parler ici de performance, tant l’acteur semble investi par son rôle, donnant à l’ensemble du film une intensité troublante.
Xavier Legrand semble, avec Le Successeur, prendre un malin plaisir à jouer avec les genres, sautant du drame au tragique – voire à l’horreur – mais en conservant certaines touches d’humour toujours bienvenues. Sa mise en scène est extrêmement soignée, ne laissant rien au hasard et développant son suspens d’une main de maître.
Les personnages secondaires, et tout particulièrement Yves Jacques qui interprète l’ami de toujours du père d’Elias, participent au climat anxiogène du film, à son atmosphère pensante. Leur rôle est d’autant plus traumatisant qu’on connaît tous des voisins passablement indiscrets et pots de colle.
Vous l’aurez compris, malgré les températures glaciales du Québec, Le Successeur est à recommander chaudement. Il s’agit d’un thriller efficace et implacable, qui prouve, s’il était besoin de le démontrer, que Xavier Legrand est l’un des réalisateurs français les plus talentueux du moment !