Un héros de cinéma doit-il absolument susciter l'empathie du spectateur? Doit-on comprendre chacun de ses faits et gestes? Et la réussite du film peut-elle dépendre de ce facteur? Tant de questions que je suis obligé de me poser devant le successeur, tant l'un de ses choix scénaristique divise, et fait sortir du film pas mal de gens. Mais pas moi, vous l'aurez compris au 9/10, je vais donc m'empresser de justifier cela.
L'enjeu du film se trouve dans l'héritage. Le titre "Le Successeur" est aussi celui d'un couverture de magazine signifiante à la fin du film, qui nous indique le chemin que le protagoniste a suivi, malgré lui ou non. Le film questionne ce qui reste, ce que la relation entre ce personnage et son père a laissé, et le moins qu'on puisse dire, c'est que franchement, c'est pas joli. Le fait qu'il tente absolument tout pour ne pas aller s’occuper des obsèques de son père, le fait qu'une fois là bas tout lui rappelle qu'il est le fils de cet homme, et le personnage du gentil voisin un peu candide, tout ramène le personnage à l'homme qu'était son père, dont on ne saura jamais ce qu'il a pu faire d'autre que... Ce que trouve Elias chez lui, et qui sera le cœur du film. ET DONC...
Et donc le personnage d'Elias prend une décision irrationnelle. Certes. Une décision qui nous fait bondir sur notre siège, qui nous fait dire "mais moi, je n'aurai pas fait ça, moi j'aurai parlé, j'aurai cherché de l'aide". Oui, si tu veux, Michel, mais t'es pas à sa place. C'est l'impasse de l'empathie au cinéma, si elle nous amène à nous investir émotionnellement dans des histoires, à nous attacher à des personnages, à ressentir les mêmes émotions qu'eux, elle nous met aussi à distance des expériences trop radicales, celles où le gap émotionnel entre nous et les personnages du film est trop grand. Et c'est dommage. C'est dommage, parce que ça nous fait passer à côté de plein de films fascinant, comme celui-ci. Parce que passé cette décision "irrationnelle", dont le bouleversement dans laquelle elle a lieu suffirait à justifier qu'elle soit contre le bon sens, on a un thriller hors du commun, dur et sombre, qui met profondément mal à l'aise, et qui remue tout les non dits et le poids du silence, en parlant sans jamais le verbaliser (un tour de force, à ce niveau) du mal être qui remue une ancienne victime présumée.
Le film est loin d'être parfait, bien sûr, le début est un peu long par exemple, mais les envolées d'émotions, de malaise, d'angoisse, de panique, d'inconfort, et surtout ce climax insoutenable au choix musical très bien pensé (égalant pour moi l'introduction d'Anatomie d'une chute en terme de contre emploi musical fascinant), il y a dans ce film tant de choses grandes, puissantes, bouleversantes, qu'on peut largement lui pardonner d'avoir, pendant un instant, pris un virage scénaristique un peu étonnant. Non?
Fait coooooomme, l'oiseauuuuuuu.... (vous aussi, cette musique vous hante, maintenant?)