Quantième Art
J'ai toujours été frustré que les fantasmes financiers du truand français moyen des films policiers d'antan ne soient jamais réalisés. Ayant vu tous les films avec Jean Gabin en séquence, c'est devenu carrément difficile à supporter, le sommet ayant été atteint avec Mélodie en sous-sol (Henri Verneuil, 1963). Et enfin, Depardieu et Carmet viennent poser à l'écran ce rêve devenu réalité. Et quelle réalité !
C'est tout à fait « à la française » (en français dans le texte), mais sans tomber dans les prémices des limites que le cinéma va s'imposer tout seul dans les décennies suivantes. Le film choisit l'économie comme thème (celle qui fait tourner un pays) ; un gros morceau, et il a l'intelligence de ne pas fourrer en plus son nez en politique, ou cela aurait été trop dur à avaler. Ajoutons à cela un casting qui se prend entièrement au sérieux dans une histoire pas forcément toujours rigoureuse, et l'on obtient une douce dérision coulant au fond d'une rivière opaque de divertissement. Ce qui la rend opaque ? La même chose qui la protège d'être trop unilatéralement satisfaisante, de trop sacrifier au plaisir coupable du spectateur, de trop compter sur les sautes d'humeur un peu démodées et beaucoup trop binaires de Carmet en face d'un Piccoli qui lui par contre n'a aucun mal à se recycler : des rebondissements vifs, gérés de manière à vouloir toujours dire quelque chose au plus démuni de connaissances élémentaires en matière d'impôts et autres joyeusetés. C'est ce qu'on appelle un traitement de qualité pour un scénario peu prometteur sur le papier mais rendu génial par pure intelligence.