‘Le tableau volé’ était le film que j’avais le plus envie de voir ces derniers temps au cinéma. Le sujet, le casting, la belle affiche, la bande annonce promettaient beaucoup. Contrairement au tableau, on n’a pas été volé. ‘Le tableau volé’ est un bon film, plaisant et drôle.
André Masson, commissaire-priseur dans la célèbre maison de ventes Scottie’s, reçoit un jour un courrier selon lequel une toile d’Egon Schiele aurait été découverte à Mulhouse chez un jeune ouvrier. Très sceptique, il se rend sur place et doit se rendre à l’évidence : le tableau est authentique, un chef-d'œuvre disparu depuis 1939, spolié par les nazis.
La qualité d’un film repose en grande partie sur son scénario et on peut dire, qu’avec cette histoire, Pascal Bonitzer dispose d’un matériau très romanesque (un chef-d’œuvre qui réapparaît là où on ne l’attend pas, deux mondes opposés qui s’entrechoquent), drôle et surprenant. Cela étant, il y a aussi ce que l’on fait du scénario. Ce qui est étonnant, c’est que le film commence une pure comédie avec cette vielle dame acariâtre et raciste qui souhaite vendre une toile, puis le film bifurque vers une satire du milieu des maisons de vente avant de prendre une tournure plus sociale.
Pascal Bonitzer porte un regard assez piquant sur le milieu, où le business prime sur l’art, où l’on doit « tapiner » pour obtenir une vente comme le dit le personnage d’André Masson, où les objets ont davantage une valeur monétaire qu’une valeur esthétique. Bonitzer moque le snobisme de ce milieu germanopratin, tout en montrant leur émerveillement et même leur émotion quand ils découvrent une belle toile. Mais le cinéaste sait aussi rendre l’atmosphère des ventes aux enchères lors de scènes remarquablement filmées et rythmées. A la fin, le personnage de Bertina dit à André : « c’était un moment magnifique ». Et on comprend vraiment pourquoi.
Ce que j’ai également aimé dans le film, c’est comment deux mondes (l’un aisé, l’autre ouvrier) vont se croiser sans jamais se mélanger. Ce qui les relie en fait c’est une transaction, plus précisément la restitution du tableau. A la fin du film, dans une belle scène, les ayants-droits qui ont vendu le tableau applaudissent le jeune ouvrier qui l'a restitué. Celui-ci les regarde totalement extérieur à tout ça. D’ailleurs, et malgré avoir reçu une partie du prix de vente du tableaux, la famille d’ouvrier s’achète une maison mais ne change pas de train de vie. En fait, malgré l’énormité de l’évènement, chacun reprendra le cours de sa vie comme si rien ne s'était passé.
Grand amateur de films choraux, je n’ai pu qu’être séduit par la galerie de personnages que me proposait Pascal Bonitzer. L’intrigue, dont les personnages sont en quelque sorte les parties-prenantes utilitaires (il y a le commissaire-priseur, l’experte, l’avocate, etc…), est très mécanique et semble faite de différents maillons. Des maillons qui ne sont d’ailleurs pas toujours directement liés à la vente du tableau lui-même. Par exemple, j’ai trouvé les scènes de la stagiaire mythomane hilarantes.
Il faut dire que le casting est un pur régal. On le sait, Alex Lutz est un excellent comédien. Il livre ici une performance très nuancée entre cynisme et fêlures. Léa Drucker est parfaite comme d’habitude. A-t-on assez dit qu’elle était l’une des meilleures comédiennes françaises ? Louise Chevillote est géniale en mythomane qui ment comme elle respire. Enfin, n’oublions pas l’interprétation discrète mais émouvante de la trop rare Laurence Côte, qui joue la mère un peu effacée du jeune ouvrier.
‘Le tableau volé’ est une bonne comédie, qui allie intelligemment satire et profondeur. On passe un très bon moment devant ce film bien rythmé et merveilleusement interprété.