"Il y a plus d'humanité dans l’œil d'un chien quand il remue la queue que dans la queue de Le Pen quand il remue son œil."
Rabelais pensait que le rire était le propre de l'homme mais quatre siècles d'étude du comportement animal ont disqualifié sa théorie. C'est difficile à définir, l'humanité... Pour certains elle naît de la conscience, ce qui permet à beaucoup de nos contemporains de critiquer son prochain à peu de frais, "les gens", ces bêtes pires que les autres, qui perfectionnent le mal avec lucidité. Pour d'autres l'humanité contient une part d'animalité qui peut être prise en pitié mais doit être sévèrement punie quand même, quelle que soit sa nocivité. Puis pour d'autres elle n'est ni bénédiction, ni malédiction, juste une forme de foi, une capacité à croire en quelque chose d'abstrait, en un dieu, à l'amour, au collectif et pourquoi pas à l'humanité elle même ; cet humain faible et sale, beau et con à la fois, capable de comprendre, de transcender, d'aimer, de croire sans preuve, de vivre hors contrat.
Il y a de l'humanité dans l’œil de Mocky quand il remue sa caméra.
Philippe Noiret, aussi convainquant en charmeur indolent qu'en nounours naïf ou en connard implacable, incarne ici un prédateur ultra inquiétant, le dernier des coupables à qui le premier bienpensant infligerait la peine de mort aujourd'hui encore : un meurtrier pédophile. Noiret comme il sait si bien faire le rend sympathique de prime abord, par ailleurs malade, malfaisant et conscient de l'être ; une sorte de version mondain charismatique de Galabru dans "Le Juge et l'Assassin" de Tavernier.
Le témoin, son ami Alberto Sordi, est l'innocent qui n'a pas voulu se faire juge. Il a eu la faiblesse de ne pas condamner son ami et sera puni pour ça, encore plus sévèrement que le coupable.
Parmi les juges, il y a la justice, le bras armé de l'humanité - à ce titre loin d'être infaillible, mais aussi la horde de l'entourage bourgeois, tout aussi coupable, hypocrite, engoncé de surcroît dans une posture bigote.
Pour le reste, ce spécimen totalement humain et quand même un peu dingo de Mocky a choisi de brouiller les pistes entre comédie et drame. Déjà, il y a cette bande son tellement guillerette dans des moments tragiques qu'elle met très mal à l'aise. Ensuite, il y a ces effets comiques via le choix de l'immense comédien Alberto Sordi pour jouer le coupable idéal, le beauf qui ne salira pas la bonne société, témoin comme nous de l'horreur et tenaillé par l'amitié et l'empathie pour le bourreau malade.
On peut aimer être perturbé pour être perturbé, c'est assez banal de nos jours, je n'aime pas trop ça pour ma part et le procédé ne manque pas seulement de profondeur ici, il manque aussi de finesse. Du reste il me semble que Mocky n'a pas réalisé de grands films, mais des témoignages d'humanité qui détonnent dans le paysage et méritent le détour.