...et de deux femmes.
La question mystère qui entoure ce film quand on s'intéresse un tant soit peu au cinéma est : "Qu'est ce qui a pris à Martin de vouloir adapter un roman d'Edith Wathon ?"
Ce mélo romantique se déroulant à l'époque victorienne n'est pas ce que l'on imagine stimuler l'auteur des Affranchis.
Il y a New-York déjà. Et ça, c'est un argument de poids. Personne ne filme cette ville mieux que lui.
A toutes les époques. Rappelez-vous cet exceptionnel plan final de Gangs of New-York. Là, point de gangster mais la haute bourgeoisie de la ville, les descendants des familles européennes qui font le lien avec le vieux monde et représentent l'Histoire du pays tout jeune que sont les Etats Unis.
La reconstitution de Scorsese est d'une minutie hallucinante et se rapproche presque de celle de James Ivory, c'est dire. Il soigne l'étude de son milieu comme il le fait dans ses précédents films.
Cette précision facilite la compréhension des états d'âme du personnage principal. Newland Archer qui cherche à s'émanciper de ses codes pesants mais qui le façonnent malgré lui. Tyiquement scorsesien, il est en lutte contre son milieu et donc contre lui-même. Seule la révélation finale arrivera à enfin le libérer.
Cet homme, tiraillé entre deux femmes, entre deux mondes, l'homme va passer sa vie à louvoyer. La douce May symbolise son monde, la société cloisonnée à laquelle il appartient. De l'autre, Ellen Olenska, femme libre (libérée) qui personnifie la modernité en plus de débarquer du vieux continent.
Ce sont deux femmes fortes chacune à leur manière, l'homme entre elles essaie de trouver sa place.
A part un ou deux détails (la blonde du roman devient la brune du film) le réalisateur adapte fidèlement et à la lettre le roman du début du siècle. En plus de ce personnage qui cherche une échappatoire, le film parle de l'amour, l'amour passion qui dévaste et dépasse tout.
Habité par la peur, le personnage incarné par Daniel Day Lewis, se rassure en refusant de vivre sa passion pour la cousine de sa promise. Toute sa vie, il gardera l'impression de s'être sacrifié à l'autel de l'honneur familiale.
Toute sa vie il se sera empêché de vivre l'amour de sa femme comme une bénédiction.
A force de chercher à préserver l'image d'intégrité, de se complaire dans ses regrets, il passera à côté de son amour profond et sincère pour la jeune May. A la fois fasciné et effrayé par Ellen (Michelle Pfeiffer impériale de fragilité) il craint sa liberté. Une femme trop indépendante le priverait de sa masculinité. Généreux dans ce domaine en théorie, Newland n'est pas prêt à accorder les mêmes "privilèges à la sienne de femme.
« A quoi bon vouloir émanciper une femme qui ne soupçonnait pas
qu'elle n'était pas libre ? »
La relation entre Ellen et Newland est délicieusement perverse. Ils jouent l'un avec l'autre tout en se sachant protégé par la lâcheté de Newland.
L'innocente et virginale May n'est bien évidemment pas ce qu'elle paraît et se montre en fait bien plus maîtresse de la situation qui semble dépasser son mari.
Elle se montre finalement supérieure à lui en tout point tout en sachant le lui cacher.
Il n'y a aucune transgression pour le héros et donc aucune rédemption possible. Juste une fatale acceptation de sa médiocrité