Le second film (pour le cinéma, car il a déjà un grand passif à la télévision en 1961) de John Frankenheimer souffre d'un côté bien trop scolaire dans la démonstration pour qu'il soit véritablement intéressant, mais quelques particularités en font un film que l'on accueille avec bienveillance. Déjà, il sort la même année que l'adaptation de West Side Story et les thématiques communes sont légion — la romance et l'aspect comédie musicale en moins. Ensuite, en ce tout début des années 60, il est curieux de voir la place accordée à l'interprétation psychanalytique des agissements d'un trio de jeunes dépravés qui ont assassiné un jeune aveugle. Cette époque où on percevait la psychanalyse comme une possible explication rationnelle et scientifique à tous les comportements déviants... Je trouve ça touchant, personnellement. Et enfin, le plus gros morceau, on reconnaît la fibre sociale de Frankenheimer et de Lancaster (qui ne se sont pas bien entendus sur le tournage, sans pour autant empêcher la suite de leurs nombreuses collaborations) qui dépense beaucoup d'énergie à dépeindre la toile de fond des déterminismes les plus tragiques.
Bon déjà, le décor social des origines ethniques variées est posé dès le vocabulaire : on alterne sans cesse entre nigger, wop ("rital") et spic ("espingouin"), formant un jargon assez large pour illustrer l'animosité entre les bandes rivales. Beaucoup d'antagonismes trouvent leur source dans cet aspect-là, à commencer par le procureur Lancaster d'origine italienne qui enquête sur le meurtre d'un porto-ricain. On le comprend assez vite, The Young Savages défend la thèse de "la misère engendre la misère" et cherche à contextualiser l'ensemble des méfaits, en trouvant systématiquement des circonstances atténuantes par-ci et des faits cachés par-là — typiquement, le jeune aveugle servait de cachette vivante à armes à feu à sa bande, chose qu'on avait du mal à imaginer. Les apparences sont trompeuses, le credo est martelé avec beaucoup d'insistance. Le film se sert du crime pour considérer beaucoup d'aspects contextuels qui trouvent comme point de convergence la scène de prétoire finale, explosion des préjugés, des rancœurs et des troubles intimes. Les trois garçons accusés offrent trois portraits un peu trop parfaits pour asseoir un discours calibré, et le changement de psychologie de Lancaster pendant le procès est un morceau somme toute assez conséquent gros à avaler.
Mais il est à noter que ce dernier a droit à quelques séquences mémorables, assorties de répliques qui claquent : "When was the last time you had to scrounge for a buck? You think I can afford this phony idealism of yours? I've got a job to do."
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