Rattraper Le Territoire des Loups, c'est se rappeler la carrière de Liam Neeson avant que le comédien ne réduise son champ d'activités aux bourinnades écrites par une photocopieuse (à l'exception de Silence). Neeson, c'est plus qu'un nom, c'est une aura, une prestance. Suffisante pour attirer tous les regards, même en ne faisant rien d'autre qu'être là. Spielberg, Scorsese et Lucas ne s'y sont pas trompés. Un Liam Neeson, ça vous change un film. Au départ, Joe Carnahan n'avait pas misé sur lui pour son survival réfrigérant. Bradley Cooper indisponible, le réalisateur californien a cependant pensé que son comparse de The A-Team donnerait sans doute une toute autre approche. Bien vu, l'acteur porte le film sans jamais donner l'impression de l'avoir cherché. Sa carrure imposante ne saurait faire oublier ce regard incertain, même fragile derrière ce calme olympien.
Neeson incarne ce professionnel derrière qui on se range, mais qui n'est pas indestructible. Les fans de tatanes et de punchlines faciles, passez votre chemin. Ou plutôt non, restez. Vous pourriez être drôlement surpris par le ton résolument noir mais humain d'un film qui évite pas mal d'écueils faciles type "l'humain est le pire des animaux". Carnahan et Ian Mackenzie Jeffers ont construit Le Territoire des Loups non pas comme un jeu de massacre mais plutôt comme un parcours contre la fatalité. Sur le papier comme à l'écran, la forme est brute. Caméra au poing, les personnages se dévoilent petit à petit. On apprend à les apprécier pour différentes raisons, en dehors de l'épreuve impitoyable qu'il leur tombe dessus. C'est peu de le dire, les divers assauts de loups sont assez violents et inattendus. Sans parler de l'environnement qui compose autant de pièges mortels à l'attention de nos protagonistes. Mais contre toute attente, c'est la séquence la plus calme du film qui reste le plus en mémoire. Un moment à la fois d'apaisement, de tristesse et de grande beauté alors que la caméra s'accroche à un magnifique panorama qui rappelle la beauté du lieu tout en renvoyant aux innombrables souffrances qu'il fait endurer à ses malheureux rescapés. Le Territoire des Loups devient alors le survival solennel qu'on attendait pas. On se surprendrait même à le qualifier de beau film.