Avant de voir la production Netflix Le Tigre Blanc (je n'ai pas lu le roman adapté ici, donc je n'en dirai évidemment rien !), je savais que l'Inde avait une société profondément inégalitaire, avec son système horriblement archaïque des castes, où les très riches considèrent comme de la crasse, que bonne à récurer leurs chiottes en or, les très pauvres. Les uns vivant dans des superbes villas, les autres dans d'immondes taudis. Mais je ne pensais absolument pas qu'elle pouvait atteindre un tel degré de cruauté abjecte (pourtant je vous jure que je suis loin d'être naïf et idéaliste, mais même en essayant d'être le plus réaliste possible, la profondeur abyssale de la stupidité humaine parvient toujours à me surprendre !).
Il ne faut pas croire pour autant que l'ensemble tombe dans le manichéisme. Tout le monde s'en prend plein la gueule, le tout mêlé à de la nuance. Le jeune patron de notre protagoniste essaye d'être meilleur et plus bienveillant que ses aînés, malheureusement quelques mauvais réflexes ne disparaissent pas facilement à cause de ses préjugés de classe. Son épouse ne parvient plus à faire face aux valeurs de son pays d'origine parce qu'elle a passé une bonne partie de sa vie aux États-Unis (ce n'est certainement pas pour rien que le rôle a été confié à l'américanisée Priyanka Chopra !), tout en tombant elle aussi dans de mauvais réflexes. La famille tyrannique du personnage principal est pourrie jusqu'à la moelle, se complaisant dans le système qui les opprime en faisant tout pour empêcher l'un des leurs de s'élever. Une femme politique, venant de la caste des très pauvres, qui se fait passer pour une socialiste se souciant des plus opprimés, est juste une vieille garce qui ne pense qu'aux pots-de-vin que les plus riches peuvent lui verser. Et notre héros a aussi ses gros côtés sombres...
En effet, sur cette toile de fond répugnante, c'est l'histoire d'une difficile et pénible escalade vers la richesse et le pouvoir, celle d'un type parti du plus bas de l'échelle qui va parvenir au sommet. Non, je ne vous spoile pas. C'est balancé dès le début (le monsieur racontant par mail au premier ministre chinois de l'époque, Wen Jiabao, son ascension ; ce qui montre aussi ironiquement que même très puissant, il a toujours besoin d'un maître tellement il a été conditionné à cela !). La question ne sera donc pas de savoir s'il va réussir, mais comment il va réussir. Et j'ai aimé cette réponse, mais non sans être gêné par une énorme incohérence.
Bien évidemment, pour un très pauvre, le seul moyen de sortir de sa fange, c'est de ne surtout pas respecter les règles. Et notre ambitieux va faire son chemin d'une manière très radicale, en tuant son maître et en se barrant avec une partie de son pognon. Le fait qu'il ne fasse pas attraper au bout d'un certain temps (quand bien même il ressemblerait à Monsieur Tout-le-Monde, cela justifiant pour le film qu'il ne soit pas derrière les barreaux !), lui permettant de fonder sa propre entreprise tranquillou en changeant juste de ville et d'identité, est une incohérence pour moi. S'il avait tué un pauvre, je ne pense pas que la police se serait cassée le cul pour le traquer, mais un très riche fils d'un autre très riche particulièrement puissant, là c'est totalement autre chose, là où votre vie a la même valeur que votre fortune.
Reste que j'ai bien apprécié les faits cyniques que son jeune neveu, qu'il a emmené avec lui dans sa fuite, s'est très vite habitué à sa vie de luxe et n'en a complètement rien à carrer du sort (certainement peu enviable !) des autres membres de sa famille, tellement ceux-ci sont méprisables et tellement c'est bon de sortir de la saleté des bidonvilles.
Bref, Le Tigre blanc est un ensemble puissant, révoltant, sombre avec tout de même quelques légers éclairs d'espoir, parfois jouissif, magistralement joué (l'acteur principal Adarsh Gourav est une véritable révélation !), qui mérite qu'on y prête attention.