Ce film tourné au début des années 70 m'a visuellement rendu nostalgique : j'y ai retrouvé les paysages paisibles à la beauté simple des campagnes françaises de mon enfance - avant que le périurbain n'en saccage un grand nombre.
La France était certes un beau pays en mai 40, mais surtout un pays à la ramasse, trahi par des généraux incompétents et des politicards médiocres. Tourné moins de trente ans après la plus grosse mandale militaire de notre histoire, on sent bien que les plaies sont encore vives en cette fin des Trente glorieuses.
Un sentiment de honte bien compréhensible encore très présent en 1973, refoulé un temps par Mongénéral et pas complètement disparu de nos jours - il suffit de voir à quel point les dirigeants et technos français restent conciliants et trop naïfs face aux objectifs stratégiques de l'Allemagne qui n'ont rien à voir avec nos intérêts profonds. Une haine de soi donc qui exsude dans pas mal de plans : l'armée française complètement ridiculisée, le déserteur, les pillards, et tout ce beau monde qui pense surtout à picoler, chanter et bai*** pendant qu'un pays à l'histoire deux fois millénaire s'effondre et dilapide l'énorme sacrifice des Poilus en quelques semaines... Et bien entendu la figure du reptile collabo en fin de film.
C'est du propre. Le peuple français en prend pour son grade dans toute sa médiocrité, y compris jusque dans le plus abject (tourner en dérision avec ironie et bonne conscience l'ancien combattant de Verdun par exemple). Je ne sais pas comment ce film a été accueilli à l'époque de sa sortie, mais il n'a pas dû rappeler que des bons souvenirs à certains.
Notons tout de même qu'au milieu de la débâcle, certains gestes de solidarité élémentaires qui semblaient naturels persistaient, même chez certains personnage à la morale très discutable (chaîne humaine pour monter les valises de réfugiés dans le train par exemple). La nation était par terre, certains allaient se commettre avec l'occupant, mais le peuple conservait encore quelques réflexes collectifs.
En parlant de haine de soi, je me demande d'ailleurs comment ce film serait reçu aujourd'hui, alors que les tensions entre les repentants professionnels américanisés et les identitaires lou ravis du roman national se font plus vives que jamais. Tenter de rester au milieu est le meilleur moyen de se faire traiter de tous les noms (au choix, parmi mes préférés : "gauchiasse" et l'inoxydable "facho"). Fin de la parenthèse.
Au milieu de ce cloaque, un petit oasis de pureté représenté par le couple Romy Schneider / JL Trintignant, irrésistiblement attirés l'un par l'autre.
Le final "sauve" le personnage masculin par rapport au bouquin d'après ce que j'ai compris, et c'est très bien comme cela.
J'allais écrire "Romy Schneider plus belle et magnétique que jamais, mais à chaque fois que je regarde un film avec elle je me fais la même réflexion. Ici, cette tristesse permanente dans son regard, dont on n'est pas sûr qu'elle relève du seul jeu d'actrice, est très émouvante.