High Noon est un western parfaitement maîtrisé que ce soit le scénario, les plans ou le jeu des acteurs. Passées les premières minutes, il nous entraîne dans une histoire dont la tension ne cesse de grandir au fur et à mesure que l’aiguille de l’horloge se rapproche de l’heure fatidique de midi. Heure à laquelle doit arriver par le train Frank Miller, celui qui vient dans la ville pour tuer le shérif, Will Kane, et accomplir ainsi sa vengeance.
Will Kane venait de se marier et de rendre son insigne de shérif quand on lui annonce le retour de Frank Miller. Le nouveau shérif n’arrivant que le lendemain, il reprend son insigne par sens du devoir et conscience de la gravité de la situation. Il sait que le temps lui est compté : « I’ve only got an hour, and I’ve got lots to do ». Mais il est confiant : « This is my town. I’ve got friends here ». Il se prépare sans le savoir à en apprendre un peu plus sur son entourage… Car c’est dans les difficultés que les hommes montrent ce qu’ils sont réellement.
Alors que l’heure tourne, il arpente les rues, se rend d’un lieu à un autre pour chercher de l’aide autour de lui. Il se heurte à la lâcheté, la jalousie, le « bon sens », la culpabilisation, la peur, la complicité. Si les scènes d’action sont inexistantes à l’exception de l’affrontement final, le film est dynamique grâce à ces allers retours de plus en plus fiévreux de Will abandonné de tous. A la confiance initiale succède la peur, une peur qui est palpable et que l’on ressent avec force. Si Will est un héros, son héroïcité ne se trouve pas dans l’absence de peur, mais dans son courage à aller de l’avant malgré la peur. Leçon que Bill Clinton a retenue de ce film qui l'a marqué, et qui l’a accompagné pendant 50 ans, se souvenant que : « the courage is not the absence of fear, it is the perseverance on the face of fear. »
Dans ce western psychologique les dialogues prédominent à travers lesquels chacun des personnages présente et défend son point de vue. Parmi eux, la jeune mariée, Amy Fowler, merveilleusement interprétée par Grace Kelly. Cette dernière est une quaker et réprouve l’utilisation des armes quel que soit le motif. Will Kane ne peut donc compter sur son soutien… A l’opposé, l’ancienne maîtresse de Will, aussi brune qu’Amy est blonde, ne comprend pas l’attitude d’Amy qui abandonne son mari et ne se prive pas de le lui dire…
Les plans alternent : démarches de Will, abandon d’Amy, voie ferrée qui s’offre à l’arrivée du train et de son dangereux passager, les trois complices de Frank qui l’attendent à la gare et dont l’attitude tranquille et assurée contraste avec la recherche effrénée de Will pour obtenir de l’aide, l’horloge qui tourne et que l’on voit de plus en plus près au fur et à mesure que l’aiguille tourne. Le rythme du film est créé par l’alternance de ces plans qui se partagent entre le climat tranquille de la gare et le climat agité et apeuré de la petite ville.
Arrive enfin « l’heure de vérité » où tout doit se dénouer, je ne peux en dire plus… Et arrive enfin le dernier plan avec un geste amer qui a pu faire grincer des dents les américains qui tiennent à leur légende !
La chanson Do not forsake me, oh my darlin' achève de créer l’ambiance de ce western et a contribué à son succès.
John Wayne et Howard Hawks n’aimaient pas ce film et surtout son shérif. Pour eux, son attitude n’était pas pensable : un shérif qui cherche désespérément de l’aide auprès de la population ! En réaction ils ont tourné Rio Bravo quelques années plus tard (1959), parfaite antithèse de cette histoire. Ils n’ont pas su voir la portée symbolique de ce western. Derrière cette histoire sombre, il y a une parabole sur Hollywood et le maccarthysme. Au moment où le film était en cours de réalisation, Foreman scénariste et producteur était convoqué par la Commission des activités anti-américaines et comme Will il faisait l’expérience des amis qui lâchent quand il y a besoin de soutien.