Si l’intrigue du Train sifflera trois fois est d’une grande simplicité, le retour imminent en ville d’un bandit souhaitant se venger du shérif qui l’a fait condamner, il réunit les éléments qui symbolisent le mieux le genre du western.
La présence d’un shérif, ici Will Kane (Gary Cooper), figure de la loi, un pasteur et son église, symboles de moralité et de communauté, une gare et son chemin de fer, représentation de l’urbanisation et de la conquête de l’Ouest. En bref, trois caractéristiques classiques du western qui ont pour but d’exprimer la civilisation, civilisation qui sera mise en danger par l’arrivée du bandit Franck Miller (Ian MacDonald).
La venue de ses trois acolytes annonce déjà la couleur. Rentrant dans la ville au son des cloches de l’église, ils sont porteurs d’un présage funeste, tel trois cavaliers de l’apocalypse. À leur passage, une femme effectue le signe de croix, un homme prend ses jambes à son cou, mais d’autres à l’entrée du saloon se réjouissent. Tout l’enjeu du film de Zinnemann est contenu dans cette introduction, ceux qui se rangeront du côté de la société et de l’ordre et ceux qui préféreront la liberté sauvage de l’ouest. Comme l’exprimera plus tard, à la femme du Shérif, l’hôtelier « Du temps de Franck Miller, les affaires marchaient, je ne suis pas le seul, beaucoup de gens attendent son retour ». La caméra recule, laissant les trois hommes n’être plus que trois ombres au travers d’une fenêtre, en un mouvement arrière, nous changeons de lieu et de point de vue, le mariage du shérif. Nous savons déjà que la journée ne suivra pas son cours, les trois bandits s’étant invités indirectement à la cérémonie dans le plan précédent.
Débute alors une longue attente, une heure avant l’arrivée de Miller le croque-mitaine civilisationnel, la même heure à peu près qu’il restera au long-métrage avant de se conclure. Une seule unité de temps et une seule unité de lieu pour régler ce conflit. Un choix narratif judicieux, qui place le spectateur à la même place que Kane, qui ne cesse de voir que l’heure tourne, grâce à l’alternance de plans sur des horloges et les rails du chemin de fer.
C’est bien seul qu’il va devoir affronter le danger à venir, ses camarades se dérobant un par un. La solitude nouvelle de Kane, contraste avec le grand entourage réuni autour de lui à son mariage, il y à peine une heure. Un travelling arrière, embrassant le point de vue de sa femme Amy (Grace Kelly) qui part dans la direction opposée à celui-ci, pousse la sensation à son paroxysme.
De protecteur de la ville, il devient presque un étranger, en partie responsable de la chute prochaine de celle-ci. « Il n’avait pas à revenir, c’eut été préférable, pour lui et notre ville. Si Miller ne le trouve pas, il n’y aura aucun trouble » lui dit-on à l’église. La fuite, décision qui semble alors plus sage, est refusée par le protagoniste, qui lui préfère l’honneur, même s’il doit perdre la vie.
Malgré sa sobriété, Le train sifflera trois fois dit l’essentiel. Quête d’un homme contre le temps, faisant face à l’égoïsme de la société qu’il a pourtant servi et qui décide de la protéger une dernière fois, pour ne pas déshonorer le symbole qu’est le shérif dans cette recherche civilisationnelle. Mais c’est bien cette trop grande sobriété qui empêche le film d’atteindre l’excellence, notamment avec son final convenu, qui peine à décoller réellement en terme d’action et de tension, à la vue des attentes crées lors de l’introduction.