Si toi aussi tu m’abandonnes…
Un classique s’il en est, et qui le reste, solidement assis sur son piédestal malgré les années passées, c’est quand même un vieux film. L’histoire est classique. Le héros qui se retrouve seul contre tous, c’est du connu. Le détail qui fait toute la différence, c’est que là on n’a pas une déferlante à base de règlements de comptes, des morts en pagaille, les indiens qui attaquent et tout ça. Juste un homme qui attend le train, et qui sait que de ce train sortira un tueur qui a décidé sa perte, les autres étant déjà en ville, prêt à l’action. On attend comme le sheriff, pendant les trois quart du film. Et c’est la possibilité d’assister à une peinture pas très reluisante des rapports humains dans cette ville perdue de l’ouest. Fraîchement marié, sheriff qui dix minutes plus tôt n’arrivait même pas à se retrouver seul avec son épouse, tellement il était populaire, se retrouve tout seul. Commence une longue quête en forme d'appel á l'aide, et une grosse désillusion, au son d’une ballade devenue célèbre par son minimalisme et sa mélodie lugubre qui ressemble à une marche funèbre. Il se fait lâcher par tout le monde même par sa femme, une Grâce Kelly dont le noir et blanc rehausse son rôle de potiche, sa blondeur et sa robe immaculée de jeune mariée. Le sheriff va même jusqu’à aller demander de l’aide à l’église, (là il est vraiment désespéré, quand même), où on lui rappelle qu’on ne le voyait pas souvent, pour ne pas dire jamais. Et c’est l’occasion d’une superbe empoignade entre ceux qui sont d’accord pour prendre les armes, les autres qui ne veulent pas s’en mêler, le pasteur qui se lave les mains. La lâcheté des uns, l’hypocrisie des autres, et j’en passe. Et en fait on se rend compte que lui que tout le monde aimait, est détesté par ses mêmes personnes, parce qu’il leur rappelle ce qu’ils ne sont pas, et ne seront jamais. C’est un homme d’honneur qui n’a qu’une parole, courageux, même téméraire, mais qui ne recule jamais devant ses responsabilités, et c’est pour ça qu’il fait face, et eux, non. C’est cadré super, la caméra trouve toujours le détail qui tue, qui nous apprend des choses sans besoin de plus de dialogues. La jalousie de l’ex sheriff adjoint, le cynisme du barbier, c’est même drôle par moments, tellement c’est pathétique. Un drôle de bled qui servira de tombeau à ce pauvre Gary Cooper, dont le visage se ferme de plus en plus sur un gros plan, à mesure que les minutes avancent, et que l’on se rapproche de l’heure fatidique. Et soudain, voilà le retour de celle que tout le monde prenait pour une potiche, et qui s’avère être la femme idéale.