Le vent se lève, il faut tâch… MAISTAGUEULEPUTAIN
Il y a des films que l’on va voir et des films dont on parle. On en parle à cause du contexte dans lequel ils sortent, de l’histoire qui les entoure, plus importante que l’histoire qu’ils racontent. Parler du contexte plutôt que du film est un bon moyen d’étaler sa science. On en oublierait alors presque l’essentiel, et l’essentiel, c’est bien le film.
Le vent se lève est une victime typique de ce problème qui touche trop d’oeuvres, jugées, évaluées à l’aune de tout un tas d’autres choses qui n’ont rien à voir avec le long métrage lui-même. Le réalisateur, son staff, les problèmes de production ne sont pas plus importantes que le film, même s’ils peuvent allécher ou détourner d’une production. Tout le monde sait que Le vent se lève est un film de Miyazaki, et qu’il s’agit de son dernier (jusqu’au prochain), puisque le réalisateur prend sa retraite. En conséquence de quoi, le dernier film de Miyazaki ne serait pas un film comme les autres, mais un sésame — Vers quoi ?
Et parce qu’il prend sa retraite, le critique averti, désireux plus que tout de briller en bonne compagnie, décide qu’il vaut mieux traiter de Miyazaki que du film, qu’il vaut mieux parler du réalisateur que de la réalisation, en bref que ce qu’on pensera du film sera moins important que ce qu’on dira de ce qui en parlent.
Le vent se lève n’est pas un testament. C’est un film. Parce que tout film doit pouvoir se regarder pour ce qu’il est, sans qu’on ait à connaître l’intégralité de l’oeuvre de l’auteur, ni l’état de sa psychée à un moment précis, ou de ses relations amoureuses. Certes, ces informations aident à comprendre les schémas, la construction mentale qui a guidé ce travail, mais elles n’éclairent pas le résultat.
Et le résultat, en l’espèce, c’est un très long film mal rythmé de deux heures, où l’on suit un homme de bonne éducation bien de son temps, mais aussi un peu du nôtre, qui cherche à exister dans un monde trop grand, trop compliqué et tellement plus simple quand on l’oublie. C’est l’histoire vraie romancée d’un homme qui cherchait à inventer l’avion techniquement parfait et qui a contribué à créer un modèle de chasseur utilisé par les Japonais pendant la deuxième guerre mondiale. Et c’est en même temps l’adaptation d’un roman japonais. On suit en parallèle une délicate histoire amoureuse et la recherche de l’avion idéal dans un environnement professionnel froid et aussi passionnant que peut l’être un environnement professionnel.
C’est un film à la musique douce et agréable, mais lancinante et par trop martelée qui devient envahissante, au même titre que l’ennui qui étreint le spectateur.
Malgré la technique, les couleurs chatoyantes, malgré la poésie qui ne cesse de se dégager de ces tentatives (un peu étranges) de monde merveilleux, de la volupté et du flottement perpétuel des personnages, malgré les bonnes idées, le message ne trouve que rarement son chemin, il se perd dans les dédales d’un miroir, celui dans lequel préfèrent se regarder le réalisateur et tous ses penseurs, plus excités par la fin parce qu’elle est la fin, fût-elle, aussi, sans grand intérêt, que par le chemin.
Le vent se lève n’est pas à la hauteur d’autres grands films d’animation, ni des autres films de Miyazaki. Dans Le vent se lève, on a l’impression d’avoir déjà tout vu et si la reconstitution historique de ce Japon là est intéressante, c’est tout le reste qui tombe à l’eau. C’est comme un dernier soubresaut, comme un tremblement de terre dans une zone où, malheureusement, on y est habitué. On le sent passer. Et puis après, on compte les vivants, on regarde vers l’avant, et on oublie le passé en conservant un peu d’amertume.