Le Vent se lève
7.3
Le Vent se lève

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (2013)

Magnifique dernier film de Miyazaki. Il a ceci d'étrange qu'il semble assez éloigné de tous ses grands films, puisque la magie, l'animisme et les apparitions surnaturelles n'y font aucune apparition. Il semble également pour une fois ignorer son public habituel (les enfants) et est un film résolument pour adultes. Non pas qu’il soit trop violent , mais les complexités de l’histoire et des sentiments évoqués leur échapperont à coup sur (Les quelques enfants emmenés par leur parents croyant les mettre devant un dessin animé mignon semblaient complètement perdus, et s’ennuyaient visiblement). Le film se centre sur le récit de la vie d’un homme, là encore en se détournant des héroïnes habituelles du maitre. Le vent se lève est un film qui est dans la rupture avec les oeuvres précédentes de Miyazaki

Pourtant on retrouve dans le Vent se lève bon nombre de thèmes qui sous-tendaient sa filmographie. Un farouche pacifisme , l’aviation et les machines volantes, la nature à la fois belle et menaçante … Mais Miyazaki y aborde probablement pour la première fois des choses vraiment de l’ordre de l’intime, où les correspondances avec sa vie (la tuberculose qui avait atteint sa mère est évoquée avec beaucoup plus de détails que dans Totoro, ou elle restait hors-champ, le personnage principal evoque aussi clairement son père qui était directeur d’une usine de pièces qui ont servi à la construction des zero…) et son état d’esprit à la fin de sa carrière sont nombreuses. Son discours sur la création semble vraiment être son testament qu’il nous livre en filigrane.

Le film est la biographie aménagée (Miyazaki a ajouté de nombreux passages et en a modifié quelques autres) de Jirō Horikoshi, l’ingénieur japonais qui a créé le Zero, l’avion chasseur japonais qui a servi pendant la seconde guerre mondiale. Jirō est un jeune enfant qui rêve de voler , mais que sa myopie condamne au sol. Il decide alors de consacrer donc sa vie à créer des avions en devenant ingénieur pour rester au plus près de son rêve. Pendant le cours du film, on le verra payer le prix de sa passion. Pour approcher son rêve, il mettra son grand amour de côté, en laissant mourir sa femme de la tuberculose, la gardant près de lui alors qu’elle devrait être soignée au sanatorium pour ne pas manquer le moindre instant de sa présence - à la fois grand romantique et, soyons honnêtes, égoiste. Il se mettra des oeillères pour ne pas voir que son art a avant tout pour finalité de devenir des instruments de morts. Ces ambiguïtés font du personnage principal un être assez ambivalent, à la fois peu aimable et profondément bouleversant. Les séquences de rêves où il règle ses comptes avec ces point d’ombre sont terriblement perverses : elles sont sublimes, mais elles evitent à Jirō de se confronter à ces obstacles dans la réalité. Et comme le dit la citation de Paul valery qui ouvre le film, « Le vent se lève, il faut tenter de vivre !» . Il faut vivre, et c’est là tout le dilemme du héros. Cet aveuglement qu’il a vis a vis des horreurs qu’il devrait pourtant voir (le voyage chez l’allié Allemand Nazi qui ne lui épargne pourtant rien, cet allemand qu’il rencontre au japon qui a de sacrés problèmes à cause de son opposition aux nazis, justement…) ou des bassesses dans lesquelles il se complait parfois.

Miyazaki pour son dernier film en tout cas ne faiblit pas, sa mise en scène atteint des sommets rarement égalés, même dans ses propres films. Les séquences oniriques que j’évoquais plus tôt son incroyables de virtuosité. La scène du tremblement de terre est elle aussi incroyable ; le traitement sonore y est assez inouï, la violence qui est montrée n’est illustrée que par des grondements de voix et le bruit du vent. Partout dans ce film en tout cas, Miyazaki réussit une chose qui me semblait impossible , et plus encore en animation : filmer le vent. Tous les plans sont traversés d’une energie folle, les nuages, les cheveux, le moindre brin d’herbe ou le moindre pan de tissu a une vie propre et est en meme temps mis en branle par le vent. Et plastiquement, que ce soit les couleurs, les décors, l’animation, tout est de très haut niveau.

J’aime toujours autant le soin qu’il prend à décrire la vie quotidienne, on découvre dans ce film un japon du début du siècle, au tournant de la modernité , et historiquement, c’est aussi une belle découverte. Ce genre de choses ne sont pas ouvert montrées…

En mettant de côté ses demi-dieux, ses démons, sa magie et son innocence pour son dernier film, Miyazaki part sur un film qui n’est pas tourné vers son passé, et je trouve ça très bien. Son oeuvre passée est toujours là, et il a fait un film qui lui tenait a coeur, grand bien lui a pris.
Benjicoq
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Films 2014 - Top en cours

Créée

le 28 janv. 2014

Critique lue 372 fois

Benjicoq

Écrit par

Critique lue 372 fois

D'autres avis sur Le Vent se lève

Le Vent se lève
marcusquick
5

Le vent se lève (mais il ne m'a pas emporté!)

J'aurais voulu aimer ce film et pouvoir en dire du bien, mais je dois l'avouer, cette fois ci - et c'est bien la seule - je me suis vraiment ennuyé devant un film de Miyazaki. L'animation, toujours...

le 8 janv. 2014

165 j'aime

18

Le Vent se lève
Fritz_the_Cat
8

Les Ailes du désir

Contrairement à ce que laisse penser sa filmographie, Hayao Miyazaki est un homme qui a les pieds sur terre. Cinéaste intransigeant avec lui-même autant qu'avec ses troupes (voir le sort réservé au...

le 23 janv. 2014

119 j'aime

41

Le Vent se lève
Torpenn
6

Le zéro et l'infini

Aller voir le dernier Miyazaki en salle est depuis longtemps déjà un rituel précieux que la pénurie en dessins animés rend d’autant plus indispensable. Amateur forcené de petits gribouillis qui...

le 7 févr. 2014

110 j'aime

16

Du même critique

American Bluff
Benjicoq
3

Interesting trivia: The original title of that movie was Explosion at the Wig Factory.” *

Encore un film à récompenses qui ne vaut rien ... Je n'ai pas été intéressé le moins du monde par ce qui se passait à l'écran. Les personnages n'existent pas, ils ne sont que des coquilles vides...

le 5 févr. 2014

12 j'aime

Jeune & Jolie
Benjicoq
9

Critique de Jeune & Jolie par Benjicoq

Je viens de me rendre compte que ce film suscite une polémique à deux balles. il paraîtrait en fait qu'Ozon est un gros porc libidineux qui adore filmer ses fantasmes de jeunes nichons fermes (oser...

le 21 août 2013

11 j'aime

22

The Revenant
Benjicoq
4

Critique de The Revenant par Benjicoq

Je ne suis visiblement pas client du cinéma d'Iñárritu. The revenant ne fait que confirmer la tendance pour moi : ce mec ne peut pas s'empêcher de se regarder filmer et ça nuit vraiment à ses films...

le 28 févr. 2016

10 j'aime