Le Vent se lève par Léopold Pasquier
Ne nous trompons pas, Le vent se lève n'est pas le film adulte de Miyazaki pour son enchantement sceptique, mais pour sa philosophie douce-amère.
Si la passion est une douleur, "il faut tenter de vivre".
Jiro Horikoshi, brillant ingénieur, voudrait s’envoler vers l’azur. Le film trouve ici ses plus lumineuses images, et trace les contours d'un rêve bigger than life : pouvoir, les bras vers le ciel, se faire emporter par les avions qui décollent.
Ce rêve -profondément mélancolique car vieux comme le monde- n'avait pas trouvé aussi belle figure depuis, disons, le générique de fin de "Nadia et le secret de l'eau bleu" (http://www.youtube.com/watch?v=2mfCk_BW-lg&noredirect=1) Justement, son créateur, Hideaki Ano, interprète ici le personnage principal.
Mais le film va plus loin : vivre, et vivre pour son rêve, a malheureusement un prix.
Alors que deux drames menacent à l'horizon -La guerre et la tuberculose de sa femme- Jiro maintient obstinément son cap, en dépit de tout, au risque de précipiter les choses (Son chef d’œuvre restera le chasseur Zéro, l'avion kamikaze. Quant à sa femme, il la laissera mourir auprès de lui par amour pour elle, plutôt que de la faire hospitaliser).
Est-ce cela « tenter de vivre », comme le suggère la citation de Valéry ? Vivre la passion à tout prix, quand bien même le monde s’effondrerait ?
Aveugles les vivants, donc, et paradoxalement sensibles à tout précise Miyazaki. Cette sensibilité, celle du peintre (très juste choix d'affiche), c'est au fond celle du cinéaste dont on sait à quelle point l'animation foisonnante témoigne d'un plein ressenti pour le moindre détail (une tasse qui vacille, la surface d'un lac, etc...). En dédiant cette sensibilité à ses personnages, Miyazaki prouve de la plus belle des façons que, même au milieu des ruines, la vie reste une possibilité. Faut-il du moins la tenter.