Ah ça oui monsieur, je vais vivre !
Je crois que s'est ça le secret, il faut tenter de vivre, vivre le film en spectateur actif ; mais en même temps se laisser porter par le vent, emporter par le film. Tout ça peut avoir l'air un peu obscur, surtout pour ceux qui ne l'ont pas encore vu, alors je vais essayer de clarifier mon propos en évitant au maximum les spoilers.
Le Vent se lève est très différent des précédents films de Miyazaki, et si je suis rentrée dans la salle un peu sceptique sur l'appellation d'"ultime" une fois de plus, je suis maintenant persuadée que c'était bien le dernier, un magnifique film d'adieu.
Assez long (2 heures et quelques), il n'est pas enfermé dans un schéma narratif classique et évite de nous prémâcher complètement le visionnage en nous guidant dans un chemin tout tracé. On peut reprocher au film quelques longueurs, voire à l'opposé quelques passages zappés un peu facilement et pourtant je trouve que c'est tout ça qui le rend génial : comme si à travers une tranche d'histoire de Horikoshi et de l'Histoire, Miyazaki essayait de nous dire en vrac tout ce qu'il n'avait pas encore dit et qu'il tenait à nous dire avant de disparaître. Un peu fourre-tout mais avec application.
Donc actif pour voir derrière l'image (toujours aussi belle), et suffisamment passif pour ne pas chercher à aboutir quelque part. Les 4 amis avec qui je l'ai vu sont unanimes pour dire qu'il était bien mais pas le meilleur, un peu longuet parfois… Avec un peu de recul je crois que c'est quand on s'accroche à l'intrigue et au schéma narratif (qui est quand même existant, bien que secondaire) qu'on passe à côté de l'essentiel et qu'on peut s'ennuyer, parce que Le Vent se lève est bien plus que ça.
Il faut accepter de se détacher du reste de la filmographie d'Hayao pour accepter ce film ci. Il n'y a pas de gentils et de méchants, dans le contexte qui se prête pourtant le plus au manichéisme, la seconde guerre mondiale. Le héros est un homme. Le héros est adulte. L'atmosphère fantastique, onirique, a repris sa place naturelle : dans les rêves. Le fantastique se fait plus ténu, en même temps que la critique de la société, comme si tout cela n'avait pas vraiment d'importance, comme si tout ce qui comptait c'est de vivre.
J'ai pleuré. Pas parce que quelqu'un est mort et que pleins de procédés cinématographiques m'ont forcée à pleurer, non, parce que c'était émouvant sobrement, la vie, présentée avec simplicité, et parce que j'avais l'impression que le réalisateur me parlait à l'oreille. Hayao Miyazaki est plus présent que jamais, et ce qu'il nous dit ressemble à un adieu doux et mélancolique.
Quand Castorp a regardé Jiro et Naoko de son oeil pétillant et bienveillant, j'ai eu l'impression que c'était nous tous qu'il bénissait, la vie qui fait son chemin, partout, tout le temps, malgré tout.
La musique, ce thème répété plusieurs fois dans tout le film, lui aussi doux et mélancolique, ressemble à une musique de fin. Comme si tout le film était une fin.
Et quand Naoko apparaît pour la dernière fois dans le rêve de Jiro, qu'elle lui dit "vis ta vie" avant de disparaître, j'ai cru voir le réalisateur nous dire que la vie continuait sans nouveau film de sa part, et que la vie est belle, quand même.
Pour revenir à cette mise à distance du fantastique et de la critique sombre, je crois que c'était aussi une manière de nous dire :
" D'accord notre monde est terrible, triste, et c'est pourquoi je vous ai inventé d'autres mondes, certes pas toujours drôles non plus mais qui au moins changent du nôtre. Mais ça ne fait pas tout. C'est vrai mais ça n'empêche pas de vivre. Regardez tout ce qu'il reste, la vie est belle quand même. Et même si on ne peut pas sauver le monde et arrêter les guerres, même si on doit construire des avions pour les faire ces guerres, même si on ne peut pas nourrir les enfants affamés, et qu'on peut mourir de maladies, malgré tout ça, il faut tenter de vivre. "
C'est un film d'espoir, humain, lucide plus qu'idéaliste.
Un chant du phénix à accueillir dans son entier, esprit et coeur ouvert.