Pour les adeptes de héros attachant plein de dilemmes...
Je ne fais pas partie des afficionados béats d’admiration devant l’œuvre de Hayao Miyazaki. Je ne pense pas non plus que son travail ne recèle ni de talent ni d’intérêt. Je me trouve donc dans une position médiane. J’ai eu l’occasion de voir quelques-uns de ses films comme « Princesse Mononoké » ou « Le Château Ambulant » par exemple. Ils m’ont toujours fait passé un moment agréable et ne me suis jamais ennuyé à découvrir ses fables. Par contre, je n’y ai jamais trouvé la magie et la perfection que bon nombre de critiques lui attribue. Cette légère frustration ne m’a pas empêché d’aller voir sa dernière production sortie le vingt-deux janvier dernier et intitulée en France « Le vent se lève ». D’une durée à peine supérieure à deux heures, il était présenté comme le dernier chapitre du cinéaste japonais.
Le site Allociné propose le synopsis suivant : « Inspiré par le fameux concepteur d’avions Giovanni Caproni, Jiro rêve de voler et de dessiner de magnifiques avions. Mais sa mauvaise vue l’empêche de devenir pilote, et il se fait engager dans le département aéronautique d’une importante entreprise d’ingénierie en 1927. Son génie l’impose rapidement comme l’un des plus grands ingénieurs du monde.
Le Vent se lève raconte une grande partie de sa vie et dépeint les événements historiques clés qui ont profondément influencé le cours de son existence, dont le séisme de Kanto en 1923, la Grande Dépression, l’épidémie de tuberculose et l’entrée en guerre du Japon. Jiro connaîtra l’amour avec Nahoko et l’amitié avec son collègue Honjo. Inventeur extraordinaire, il fera entrer l’aviation dans une ère nouvelle. »
Comme le sous-entend le résumé ci-dessus, ce film possède une dimension biographique. La conséquence est que la narration nous est contée à travers le regard et le quotidien de son personnage principal. Ce choix fait naître rapidement une empathie à l’égard du héros. J’ai tout de suite été touché par ce jeune homme qui est prêt à tout pour réaliser son rêve. Sa fragilité apparente couplée à la force intérieure qui l’habite fait de lui un personnage attachant à qui on souhaite tout le bonheur du monde.
Le film est relativement long pour un film d’animation. Les deux heures permettent à l’histoire de s’installer et de se développer sans excès de vitesse. Les événements s’enchaînent au fur et à mesure que les années défilent. Le réalisateur ne s’offre pas le luxe de s’offrir des ellipses temporelles. Chaque marche gravie par Jiro nous est contée. J’ai trouvé ce choix judicieux car il donne de l’épaisseur à la trame. A l’opposé, cela génère parfois un sentiment de lenteur résultant d’une dimension parfois légèrement trop contemplative. Le scénario est bien construit et décrit parfaitement l’ascension sociale d’un jeune homme et son entrée l’univers de l’ingénierie aéronautique.
Mon côté scientifique a apprécié la place consacrée aux cabinets de recherche dans l’histoire. J’ai pris beaucoup de plaisir à suivre Jiro faire chauffer ses neurones pour trouver de nouvelles solutions aux nombreuses problématiques générée par les différents projets dont il est en charge. Que personne ne s’inquiète, aucun prérequis en mécanique ou en aérodynamique n’est requis pour comprendre ces moments. Par contre, le réalisateur fait le choix d’offrir du temps aux protagonistes de faire partager au spectateur le contenu de leurs travaux.
Parallèlement à l’ascension professionnelle de Jiro, nous assistons également à sa rencontre avec l’Amour. Cette partie de sa vie occupe une partie importante de l’histoire. La situation de Nahoko accentue la dimension dramatique de cet aspect de la vie de Jiro. Il est en permanence en train d’osciller entre son métier d’ingénieur et la maladie de sa femme. Ses deux passions apparaissent trop souvent incompatibles et rendent douloureux certains moments du film. Miyazaki transmet assez bien ce sentiment. L’implication émotionnelle du spectateur ne diminue jamais bien au contraire.
Malgré l’implantation de l’intrigue dans un monde réel et concret, le réalisateur japonais s’autorise des digressions oniriques comme souvent. Régulièrement, Jiro rêve de longues discussions avec un de ses idoles italien, concepteur d’avions. Leurs échanges philosophiques ou spirituels sur leur art ne sont pas inintéressants mais trainent tout souvent en longueur à mes yeux. Ils n’apportent pas toujours un éco proportionnel à la place qui leur est consacrée. Par moment, leurs bavardages m’ont coupé du film. C’est dommage.
Le bémol que je pourrais attribuer à ce film est une lenteur parfois excessive. Je ne suis pas contre certains moments contemplatifs, loin s’en faut. Néanmoins, Miyazaki tombe ici un petit peu dans l’excès. Certaines scènes apparaissent longues car redondantes. J’ai parfois eu le sentiment de vivre plusieurs fois certaines discussions ou certaines réflexions. Un allégement de certains passages ou la suppression d’autres auraient fait disparaître ce sentiment chez le spectateur sans pour autant trahir l’atmosphère de l’ensemble. Mais tout cela reste une question de point de vue. D’autres y trouveront peut-être la magie du cinéaste japonais.
Je ne peux conclure une critique sur « Le vent se lève » sans donner mon avis sur l’animation en elle-même. Je dois vous dire que je ne suis pas un grand fan du trait japonais. Je trouve que ce style souffre énormément quand il s’agit de donner une identité graphique aux personnages. Je trouve qu’ils se ressemblent tous et que la variété et l’intensité des émotions sont rarement valorisées par les images. Cet opus n’échappe pas à ce constat à mes yeux. Malgré tout, la qualité du travail et de l’histoire permet de me faire passer la pilule sans mal. Concernant les décors, je trouve qu’ils sont plutôt bons dans le sens où ils accompagnent parfaitement la narration. Néanmoins, à aucun moment, je ne suis tombé béat devant un paysage ou un détail. Les goûts et les couleurs ne se discutent pas. Je n’ai jamais compris la fascination que peut générer l’animation de ce réalisateur. Malgré tout, sa poésie et sa magie permettent de me faire passer un excellent moment.
Au final, je me suis laissé porter par l’histoire qui m’était conté. Le devenir du personnage a attisé ma curiosité du début à la fin. Tout n’est pas prévisible et l’affection ressentie à l’égard du héros offrait une intensité dramatique intéressante. C’est donc davantage le scénario que la réalisation et l’animation qui m’a conquis. Néanmoins, rien n’est à jeter dans cet opus qui ravira, à mon avis, un large public du fait de ses nombreuses qualités…