Chouette ! Encore un dessin animé des studios Ghibli. On ne pouvait pas le manquer évidemment, d’autant plus que papy Miyazaki (73 ans !) annonce que (cette fois, c’est sûr) c’est son dernier film (encore une fois, me direz-vous, espérons que … ce ne sera pas la dernière !).
On connait bien Hayao Miyazaki pour être branché et connecté aux éléments de la nature : l’eau, la terre, le feu et l’air.
Après les eaux de l’excellent Ponyo en 2009, c’est au tour des vents d’être convoqués dans cette dernière histoire du studio Ghibli : Le vent se lève.
L’histoire de Jirō Horikoshi qui ne pouvant voler lui-même (mauvaise vue) voulut embrasser la même carrière que Gianni Caproni, un italien qui construisit un bi-moteur surnommé Ghibli (tiens ! ?), l’un des noms arabes du sirocco.
Quelques années plus tard, Jirō Horikoshi inventera le tristement célèbre Mitsubishi Zero, l’avion des kamikaze durant la guerre du Pacifique.
Décidément cette histoire est pleine de courants d’air et visiblement, des quatre éléments, c’est le vent qui tient la place de choix dans l’imaginaire de Hayao Miyazaki.
En dépit de ces références éoliennes et en quasi rupture avec une production passée très fantasmagorique, l'histoire que nous raconte ici, longuement et en détails, Miyazaki est sérieusement et prosaïquement ancrée au plus près du réel japonais d'avant guerre. C'est donc (encore) une occasion idéale de faire connaissance avec le quotidien nippon (celui de la vie de couple par exemple ou encore celui, plus rare à l'écran, du milieu professionnel puisque Jirō est ingénieur chez Mitsubishi).
On y découvre (on y partage même !) la passion un peu égoïste et tout à fait aveugle de ces scientifiques et ingénieurs d'entre les deux guerres qui fabriquaient la technologie d'après-demain tout en sachant très bien de quoi serait fait demain.
Une histoire d'innocents et naïfs rêveurs (?) qui imaginaient le Progrès et préparaient la Guerre.
Le sujet est sensible et le propos pourrait même passer pour ambigu, mais il est remarquablement maîtrisé par Miyazaki qui évite tout autant l'hagiographie que le procès à charge. On y retrouve plutôt les échos de ses films précédents où l'homme veut jouer à l'apprenti sorcier et prétend dompter les forces de la nature.
D'ailleurs, comme pour mieux souligner ce propos, le film (après de telles images, on n'ose plus parler de ‘dessin animé’, tellement cela semble réducteur !), le film commence et s'achève dans la destruction massive : du terrible tremblement de terre du Kantō de 1923 jusqu'aux ravages de la guerre (avec justement, ces avions ...).
Le vent se lève (Kaze tachinu en VO) ne fait évidemment pas référence à Ken Loach (une histoire pourtant quasi contemporaine de celle-ci) mais à un poème de Paul Valéry cité dans le film (en français s'il vous plait !) : Le vent se lève ... il faut tenter de vivre.
Peut-être faut-il y voir un signe des ‘kami’ : les débuts du projet dans le studio Ghibli ont coïncidé avec le tsunami du 11 mars 2011 (celui de Fukushima).
De ce film presqu'un peu trop sérieux et appliqué, à un souffle de vent du coup de cœur, on regrettera peut-être quelques longueurs durant ces deux heures (comme le passage à l'hôtel de montagne ?) et un Joe Hisaishi qu'on a trouvé pas très inspiré aux violons (lui aussi vieillit ? !).
Mais on se rappellera surtout une superbe histoire et d'amour et d'industrie, sur fond de destructions guerrières ou naturelles.
Avec quelques scènes animées absolument magnifiques, dignes des plus grands cinéastes (ceux des ‘vrais’ films) : comme cette rencontre de Jirō avec sa dulcinée sur le quai de la gare - un sens du mouvement, de la foule, de la mise en scène, qui fait qu'on oublie souvent qu'on est dans un ‘dessin animé’.
En dépit du fait que cette histoire ressemble fort à un testament artistique, il ne nous reste plus qu'à espérer que Hayao Miyazaki nous a menti encore une fois, qu'il a encore voulu faire son intéressant, et que non, il ne prend pas déjà une retraite pourtant méritée et que oui, il nous donnera peut-être encore une autre dernière belle histoire avant de poser ses crayons et ses pinceaux. Comme Jirō, on peut rêver !
Alors si vous êtes curieux du Japon ou si vous aimez (en vrac) : les histoires d'avion, les histoires d'Histoire, les histoires d'amour, ... allez vite voir ce film avant que le vent se lève.
À noter encore :
Le magnifique hydravion multiplans transatlantique de Caproni qui capote dans le lac Majeur a bien existé : c'était le Ca.60 dont le seul prototype hélas, connut bien le même sort que celui du film (c'était en 1921).