On le connaît, le Sordi duel, l'extravagant dindon de toutes les farces. Il est ce que le public italien attend, le démon semant la tentation sous un déguisement d'agneau. Mais quitte à se servir de sa position de réalisateur bien installé, Risi va donner à l'acteur un rôle sous-jacent à celui de concrétiseur de péchés.
En effet, il demeure un cinéaste du peuple, enfermé dans la comédie qu'il a contribué à rendre populaire, mais aspire à quelque chose qui puisse en dépasser. Cela se sent pour une des premières fois dans Le Veuf, où l'ambiance s'accompagne d'un étrange malaise. Ce n'est pas la concupiscence ou le manque tous azimuts de "valeurs catholiques" dont le cinéma italien nous permet cette fois de rire, mais carrément de la mort et les pulsions meurtrières.
Sordi est heureusement parfait pour dédramatiser l'indédramatisable, mais on ne sait plus trop quelle valeur accorder à son caractère immoral. D'un côté, il contrebalance un genre de plus en plus formaté et permet à Risi de relâcher la pression dans la bonne humeur. D'un autre, il est juste... là. Il rythme seul une comédie noire qui ne voit pas l'intérêt de changer d'orbite autour de son sujet, du moment que l'interprétation est constante. Même aujourd'hui, il est pour cela un peu difficile de la prendre totalement à la légère. La clé pour y parvenir s'est-elle perdue avec le temps, ou bien Le Veuf va-t-il suffisamment loin pour justifier ses points bloquants ?
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