Dans le Paris de 1930, le docteur Léon Galipeau reçoit dans son cabinet un certain Louis Martinet âgé de cinquante neuf ans. Le diagnostic avancé par le médecin n'est pas spécialement rassurant puisqu'il annonce à son patient qu'il ne lui reste au maximum que deux ans pour profiter de la vie. Il s'avère que le docteur est parvenu à savoir que son infortuné client possède une maison à Saint-Tropez. C'est ainsi qu'il demande à son frère Emile d'acheter la propriété en viager sur le cours de l'aluminium. Malheureusement ce dernier joue de malchance car Louis Martinet continue de se porter comme un charme et les versements s'accumulent, ce qui irrite au plus haut point Emile et son épouse Elvire. Vient alors l'occupation et le "malade" est toujours bien vivant. Durant cette douloureuse période, rien ne sera épargné à Louis Martinet, la famille Galipeau usant de tous les subterfuges pour l'éliminer, mais rien n'y fait. L'occupation terminée, l'acharnement se poursuit mais là le sort se retourne contre les prétendants et Martinet, désormais centenaire, se porte toujours comme un charme...
Nous voici donc en pleine magouille familiale. Un médecin quelque peu pessimiste et mal inspiré dans son diagnostic va servir de "rabatteur" afin d'acquérir la maison d'un brave homme. Les circonstances sont idéales avec un viager indexé sur un cours sensé être avantageux. A partir de là nous assistons au ballet des rapaces, passant des sourires et des flatteries aux interrogations, aux doutes pour se terminer en une haine féroce contre un brave homme simplement victime envié du bien qu'il possède. Des trésors d'imagination souvent diaboliques sont alors déployés pour en finir avec cet être bien portant et impertinent; mais tous les plans dits "infaillibles" échouent. D'étranges coïncidences interviennent sur la meute des prétendants de plus en plus ruinés jusqu'à les faire disparaître les uns après les autres, certains étant même victimes de leur propre piège. Au milieu de ce déluge de stratagèmes, Louis Martinet passe tel un funambule au travers de tous les écueils, sa bonhomie, sa gentillesse, son brin de naïveté, sa fantaisie et son entrain restant intacts. Notre soi-disant malade incurable condamné à brève échéance nous fait, contre toute attente, un sacré centenaire !
Voici le second long métrage de notre célèbre Monsieur Cinéma: "Magic" Pierre Tchernia et le moins que l'on puisse dire, c'est que l'on reste sous le charme de cette réalisation. En partant d'un sujet grave Pierre Tchernia s'engouffre avec une parfaite aisance dans une comédie à l'humour noir au cours de laquelle se succèdent des rebondissements aussi cocasses qu'imprévus. La bonne humeur est de mise grâce au réalisateur et à des acteurs qui semblent franchement s'amuser à l'image de Michel Serrault. Tout au long de ce film, il nous sort le numéro des grands jours, formidablement bien dans sa peau de bout en train sur lequel l'âge n'a pas de prise. Sans souci il semble ne pas se douter des magouilles de son entourage où excellent de formidables acteurs bien dynamisés par le réalisateur et rompus à ce style de cinéma. Pensez donc! Lorsqu'autour de notre centenaire se retrouve une bande de conspirateurs formée de Michel Galabru, Jean-Pierre Darras, Claude Brasseur, Odette Laure et de la grande Rosy Varte, il est difficile de ne pas se laisser entraîner dans un franc moment de gaieté. De plus Noël Roquevert, éternel grand second rôle, faisait là sa dernière apparition sur l'écran. Pour ajouter une touche de charme à cette oeuvre, on ne peut oublier les dialogues efficaces, plein de finesse de Pierre Tchernia et d'un certain René Goscinny magnifiquement rythmés par la musique fort appropriée de Gérard Calvi.
Il est des films sans grand budget mais réalisés et interprétés avec un si grand talent que l'on aime les revoir. Ils sont inoubliables nous reviennant à l'esprit avec leurs scènes de légende servies par des comédiens irremplaçables. Cette oeuvre fait partie de ceux-là. Elle possède sous son air un peu désuet un charme fou et dégage beaucoup d'émotion. Il est vrai que Pierre Tchernia et ses acolytes sont de grands serviteurs du cinéma français. Alors, si ce n'est déjà fait, "faites-moi confiance !" comme dirait le docteur Léon Galipeau, laissez vous tenter par ce petit trésor d'humour noir.